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10 jours après le duel Eric Zemmour / Jean-Luc Mélenchon : concrètement, qu’en a-t-on retenu ?


Nous sommes le jeudi 23 septembre 2021, et ce soir a lieu le débat tant attendu opposant Jean-Luc Mélenchon, leader de La France Insoumise, à Eric Zemmour, journaliste politique, polémiste, écrivain. L’un a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle d’avril 2022 depuis bientôt un an, l’autre fait la une de multiples médias en laissant planer le doute sur sa potentielle présentation.

Incontestablement, le duel s’annonce croustillant. Et pour cause, exceptée une forte tendance caractérielle face à leurs interlocuteurs, tout semble les opposer : les divergences d’idéologies entre ces deux personnalités sont colossales. On imagine d’ailleurs péniblement comment les journalistes de BFMTV vont réussir à orienter les échanges des deux têtes de mules, mais qu’importe, on a hâte : qui va bien pouvoir l’emporter ?



Nous sommes toujours le jeudi 23 septembre 2021, et moi, je dois me rendre en cours. Je file à la faculté de droit et science politique joviale, comme souvent depuis que les cours en présentiel ont repris, et je rejoins mes camarades de classe. Ces derniers parlent du débat de ce soir, et veulent tellement le suivre qu’aller boire un verre à Saint Anne, c’est niet, ou alors on le regarde en direct du bar et puis c’est tout.

Evitons certaines conclusions hâtives : logiquement, quand on étudie les sciences politiques, quelques fois (souvent), on parle politique et on en suit assidûment les actualités. L’enthousiasme de mes amis ne m’a donc pas étonné, mais j’en dirais autrement s’agissant de celui des internautes, qui m’a interpelé. En effet, à l’ère de la dépolitisation, la twittosphère semblait envahie de jeunes impatients, non pas de réagir mais bien d’écouter les deux visions de la France qui s’apprêtaient à être défendues. L’appel du show, me direz-vous. Peut-être n’y ai-je naïvement pas cru, ou peut-être que l’intérêt porté par la jeunesse à la campagne présidentielle s’annonce accru par l’hétérogénéité des (éventuels) candidats.


De mon côté, j’aurais aimé être prise par l’envie de regarder en direct le débat, mais le jeudi soir a ses raisons que la responsabilité ignore : j’ai attendu le lendemain pour allier calme et concentration lors de mon visionnage, sur mon clic-clac fraichement acquis, munie de mon plaid. Saleté de météo bretonne.

Que le spectacle commence.


Et il commença vite. Lors de l’introduction, face à un Zemmour modéré justifiant la bienvenue de ce débat par l’exercice de la démocratie, Mélenchon s’est montré particulièrement virulent, sûrement pour rassurer son parti et son électorat : débattre avec l’auteur du « Suicide Français », ce n’est pas adhérer à ses idées. A coups de « Vous êtes un danger pour notre pays », en traitant explicitement son adversaire de « raciste », Mélenchon a mis le ton : peu de place sera laissée à la courtoisie.

La première partie du débat fut cruciale pour Eric Zemmour, puisqu’elle portait sur son dada : le potentiel danger incarné par l’immigration. Là était l’occasion pour lui de développer sur sa principale thèse : la France et son identité fragilisée par l’arrivée massive « d’immigrés venus d’une civilisation musulmane hostile à la civilisation chrétienne ». Durant ses prises de parole, il exprime ainsi haut et fort que « l’islam n'est pas compatible avec la France », en admettant toutefois que « les musulmans qui peuvent s'approprier la conception française de la religion en la considérant comme une affaire privée » avaient « toute leur place » dans la nation.

Des interventions classiques, donc, fidèles à ce qu’on pouvait attendre de son discours en la matière, ponctuées d’histoire et de chiffre, lesquels furent relativisés par les interventions peu convaincantes du fact-checking. L’insoumis a aussi réagit comme prévu : souvent révolté par les « absurdités » défendues en face, il défendra sans relâche la diversité culturelle et religieuse chère à la France, revendiquant la positivité de sa « créolisation », malgré l’ambiguïté relative à ce terme. Après tout, « le couscous serait l’un des plats préférés des français ». De quoi faire lever les yeux aux ciels de Zemmour.


S’agissant de la sécurité, deux visions diamétralement opposées encore : Mélenchon a mis l’accent sur la nécessité d’une police « respectueuse des gens », « mieux formée », exprimant sa volonté de dissoudre les brigades anticriminalité et les brigades de répression de l’action violente motorisée. En comparant la délinquance à un djihad, Zemmour, lui, a alerté sur l’ombre d’une « guerre civile » pesant sur la France. Catastrophisme ou clairvoyance, on en pense ce qu’on veut.



La seconde partie du débat, portant sur la fracture sociale, a été l’occasion pour Mélenchon de traiter de ses thèmes de prédilection, en exposant notamment certaines lignes de son programme pour tenter de réduire cette même fracture : augmentation du SMIC de 16 %, retraite à 60 ans, … Approximativement comme en 2017, mais une piqûre de rappel est toujours utile. C’est lorsqu’il a défendu que la France est un pays riche que Zemmour est intervenu : non, elle ne l’est pas tant que ça, elle est même en phase de « tiers-mondisation ». Les causes ? « La baisse de la production française » et « la sortie d’un modèle national ». Les solutions ? Zemmour n’en donnera qu’une seule, « la réduction des charges sociales et les impôts ».


Parlons enfin de ce qui a été dit sur l’environnement, même si cette séquence du débat est sûrement la moins satisfaisante puisque cruellement incomplète et dérisoire face à l’ampleur de l’enjeu. L’axe principal choisi par Jean-Luc Mélenchon fut le nucléaire. Pendant près de 20 minutes, nous les avons entendu se crêper le chignon sur l’abandon ou non de cette énergie, préconisée par Zemmour puisqu’elle émet peu de CO2 et désapprouvée par son adversaire car trop risquée.

Messieurs, nous sortons de ce débat frustrés : que pouvez-vous concrètement entreprendre pour que la transition écologique soit effective en France ? Au-delà de la multiplication des conférences et des promesses, allez-vous prendre des mesures qui rompent avec la triste tradition d’inaction politique de ces quarante dernières années ?

Sans grande conviction, seul l’avenir nous le dira.

Plusieurs thèmes, plusieurs postures, plusieurs opinions… Quel bilan pour la course vers les présidentielles ?


En somme, le débat met en évidence les fonctions distinctes entre nos deux orateurs : l’un est un homme politique depuis près de 45 ans, l’autre commence tout juste à y tremper les pieds. Il n’y a pas d’élève, pas de maître, mais bien une approche particulière des sujets parcourus : Mélenchon s’est attaché à esquisser son programme, méticuleusement préparé à la tâche, tandis que Zemmour s’est conforté dans l’histoire, la théorie, le diagnostic.

Peu de solutions pour l’éditorialiste, donc, mais une idéologie forte pouvant l’y mener avec l’aide d’une équipe. Ira-t-il ? N’ira-t-il pas ? Nous verrons. Quoi qu’il en soit, celui surnommé le troisième homme pourra profiter de l’effrayante propulsion de sa personne dans les médias. Mélenchon, lui, poursuit tranquillement mais activement sa campagne.


Rendez-vous au prochain débat.

Flora Gendrault


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