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Comment Tintin s’est retrouvé défenseur du colonialisme



Tintin, ce héros belge ayant vécu de 1929 à 1983 est le protagoniste d’une des bandes dessinées les plus connues en Europe au XXe siècle.


Son apparition se fait dans le supplément du journal Le Vingtième Siècle: Le Petit Vingtième. Ce journal catholique et conservateur ne survivra pas à l'arrivée des allemands en 1940. Tandis que Tintin et Milou continueront, sous le signe de la collaboration, à exister. Après ce passage problématique, la guerre finie, Tintin se retrouve avec son propre magazine. Les albums de Tintin connaissent un grand succès dans les années 50, tandis que son auteur Hergé (Georges Rémi) tombe en dépression. Tintin s’arrête à la mort de son auteur et ne lui survit pas. Cela étant le souhait de son créateur.


Tintin, c’est l’aventure, en tout cas à ses débuts. Il voyage, parcourt le monde. L’auteur veut, via les péripéties de son personnage, dévoiler le monde, le critiquer, critiquer le système bolchévique, mais aussi les travers du capitalisme dans Tintin en Amérique.


Après les premières aventures de Tintin au pays des Soviets, Hergé veut emmener son héros en Amérique. Mais Norbert Wallez, prêtre (fan de Mussolini) et patron du journal, a été contacté par le ministère belge des colonies. L’idée, c’est de donner envie de devenir colon. De dire que les colonies, c’est génial et qu’il y a de l’argent à se faire. En 1931, sort donc Tintin au Congo


L’Etat indépendant du Congo appartenait à Léopold II de Belgique en tant que “propriété privé”, mais a été transféré au gouvernement belge à cause d’un scandale. En effet, les britanniques ont diffusé des informations sur les conditions de travail au Congo, notamment l'affaire des mains coupées. En effet, c’était la punition la plus répandue vis-à-vis des autochtones qui ne ramenaient pas assez de caoutchouc, ne travaillaient pas assez. Un système répressif qui s’est tourné en massacre de masse qui a fait plusieurs millions de morts. Cela déclencha beaucoup d’indignations. Le Congo a donc changé de statut et est passé dans les mains du gouvernement belge.


L’idée est toujours la même: exploiter. Les richesses du Congo sont abondantes: caoutchouc, ivoires, mines … Sous Léopold II, il y avait donc une exploitation brutale de la population autochtone, c’est-à-dire, confiscation des terres et application d’un régime de travail forcé. En plus de l’aspect économique, il y aussi celui civilisationnel. A l’époque, le racisme présent, on pense que les pauvres populations des pays en Afrique, ne sont pas complètement développées. L’européen en tant qu’être supérieur, ayant le savoir, se doit de le propager auprès des peuples sauvages qui ont besoin pour leur bien de se civiliser. Cette mission civilisationnelle passe surtout par la christianisation et puis par l’implantation d’école, de nouvelles infrastructures pour développer le pays dans une logique capitaliste.

Seulement pour achever cette mission autant économique que civilisationnelle, il faut des colons prêts à remplir cette mission. Tintin au Congo cherche tout simplement à éveiller chez ces lecteurs cette vocation coloniale et civilisationnelle. Il y a un manque chronique de main-d'œuvre qui ne permet pas la pleine exploitation de la colonie, ni son développement. Ils manquent d'ingénieurs pour les infrastructures. Ceux par contre qui sont sur place, ce sont effectivement les missionnaires catholiques et protestants dans cette idée de mission civilisationnelle. Il y a donc une immense propagande gouvernementale pour couvrir le scandale de Léopold II, redorer l’image des colons au Congo et de la mission civilisatrice. Tintin au Congo fait partie de cette propagande.


Dès 1946, certains passages de la bande dessinée se trouvent gommés dans les rééditions, car elles sont trop offensantes. Notamment, un passage où Tintin fait cours à des enfants congolais en leur expliquant la grandeur de “leur” patrie, en parlant de la Belgique.

Puis, dans les années 1960, les albums problématiques ne sont pas réédités par les éditions Casterman par peur d’une indignation de la part d'intellectuels dans un contexte de décolonisation de l’Afrique. Le Congo Belge se retrouve indépendant en 1960.


Aujourd'hui, l’ouvrage est toujours trouvable. Dans sa version anglaise, il contient une préface qui insiste les lecteurs à ne pas prendre tout au pied de la lettre et à lire en connaissances des stéréotypes colonialistes et racistes que contient la bande dessinée. En France, la bande dessinée originale de 1931 a été rééditée en 2019 par les éditions Moulinsart.

En Belgique, Bienvenu Mbutu Mondondo, de nationalité congolaise demande soit l’interdiction de la bande dessinée, soit la présence d’un avertissement sur le biais raciste et colonialiste de la bande dessinée. Mais la justice bruxelloise déboute la demande. Une autre plainte a été déposée en 2010, la justice a argumenté avec l’idée que cet ouvrage n’a pas été écrit dans une intention discriminatoire à l’époque et que lorsque cela a été écrit la loi contre le racisme n’existait pas. Donc, aucune sanction ou geste n’a été fait par rapport à cet ouvrage.


Ce problème de racisme, de colonialisme dans un ouvrage ancien, n’est pas le premier et ne sera pas le dernier. Beaucoup d’ouvrages cultes partagent des idées nauséabondes comme le racisme, le sexisme, l’homophobie, etc. Mais que faire? Supprimer les ouvrages problématiques. Ne rien censurer. Certains avancent l’idée de simplement mettre un avertissement. Ce qui permet de ne pas supprimer un pan entier de la littérature tout en respectant les nouvelles valeurs de nos sociétés contemporaines. La question de toute façon restera épineuse.


Segaud Clarisse



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