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Commissaire de justice : une nouvelle profession alliant l’art et le droit.


Sur habilitation de la loi Macron du 6 août 2015, l’ordonnance du 2 juin 2016 a donné naissance à une nouvelle profession : celle de commissaire de justice. Elle naît de la fusion entre le métier d’huissier de justice et celui de commissaire-priseur judiciaire. La profession de commissaire de justice n’existe pas encore : l’union officielle n’aura lieu qu’à compter du 1er juillet 2022.


L’huissier de justice, une profession détestée


L’huissier de justice est l’un des plus vieux métiers du monde mais est également l’un des plus détestés. Ces professionnels du droit souffrent de leur réputation. Cette aversion envers les huissiers de justice est dûe au fait que la profession reste méconnue aux yeux des français. Selon un sondage Opinionway, 1 français sur 2 déclare ne pas savoir en quoi consiste exactement leur métier.


Contrairement aux idées reçues, être huissier de justice ne consiste pas à s’acharner sur des personnes en difficulté en les expulsant ou en saisissant leurs biens. Leur principal objectif est de comprendre la situation des personnes insolvables. En outre, lorsqu’il ne reste plus que l’expulsion comme dernière solution, c’est sans nul doute le moment le plus redouté du représentant de la justice car elle est synonyme d’échec. Elle n’arrive qu’après un long travail de conciliation et de recherche de solutions alternatives.


La loi confie un certain nombre de missions aux huissiers de justice qui interviennent dans différents domaines du droit. L’huissier dispose du monopole pour rédiger certains actes nécessaires au déroulement d’un procès judiciaire. C’est un officier ministériel ayant la responsabilité de signifier les actes de procédures et de mettre à exécution les décisions de justice ou des actes authentiques ayant force exécutoire.


C’est à lui que revient également la charge de délivrer des convocations en justice avant toute procédure : les “citations” en matière pénale et les “assignations” en matière civile. L’huissier de justice convoque à l’audience les personnes concernées et leur fait part du jugement rendu.



L’huissier de justice a également plénitude de compétence dans la réalisation de constats, c'est-à-dire qu’il dispose à lui seul du droit de les établir. C’est un mode d’administration de preuve reconnu par les tribunaux et par les compagnies d’assurance. Du fait de son statut d’officier ministériel, les constats des huissiers de justice sont irrécusables. Il peut par exemple constater un dégât des eaux, des nuisances sonores ou une atteinte à la e-réputation.


S’ajoutent à ces compétences, celles de la garantie de la bonne application du règlement des jeux concours, à la vérification des lots, de leur valeur financière et de leurs conditions d’octroi et de remise.


L’huissier de justice est alors un professionnel du droit complet qui opère dans de nombreux domaines tels que le recouvrement des impayés, le droit de la famille, le droit de l’entreprise, le droit de l’immobilier ou encore le droit de la propriété intellectuelle.


L’instauration de la profession de commissaire de justice par le législateur traduit sa volonté de ne plus vouloir assimiler une image négative à l’huissier de justice. Le commissaire de justice aura les mêmes compétences que l’huissier de justice mais ce dernier disparaîtra. Avec une nouvelle dénomination, la loi du 6 août 2015 donne un nouvel avenir aux huissiers de justice et aspire à effacer la connotation négative dont ils sont entachés.


Le commissaire-priseur judiciaire, un métier méconnu du grand public


“Adjugé Vendu”, cette célèbre formulation est l'œuvre des commissaires-priseurs judiciaires. Il s’agit d’un officier ministériel, d’un juriste et d’un historien de l’art dont la principale mission est de réaliser des ventes volontaires ou judiciaires. On en recense environ 400 en France.


Cette profession consiste en l’organisation de ventes aux enchères. Le commissaire-priseur les dirige, présente les biens mis en vente et donne le prix de base des objets en faisant monter les enchères.



Le commissaire-priseur judiciaire dispose d’une bonne connaissance en l’histoire de l’art puisqu’il expertise des œuvres d’art, des tableaux, des meubles anciens ou des bibelots et en estime le prix.


Commissaire de justice : la nouvelle profession de l’exécution


La loi Macron du 6 août 2015 a vocation à fusionner les professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire en donnant naissance aux commissaires de justice. A l’apparence éloignée, ces deux activités présentent de nombreux points communs :elles ont toutes deux le statut d’officier public et ministériel et sont nommées par le garde des sceaux.


Le législateur souhaite créer une véritable profession de l’exécutif. Il est rare qu’une nouvelle profession soit créée ex-nihilo dans un souci de simplification et d'amélioration du service public de la justice.


La réunion entre ces deux métiers judiciaires se fait de manière très progressive de telle sorte que les professionnels puissent suivre une formation passerelle et acquièrent les compétences de la profession qui n’était pas la leur.


Le mariage entre ces deux professions comprend 3 étapes :


  • Depuis le 1er janvier 2019, la chambre nationale des huissiers de justice et la chambre nationale des commissaires-priseurs sont devenues la chambre nationale des commissaires de justice. Toutefois, les deux professions subsistent toujours et exercent leurs activités respectives.


  • Au 1er juillet 2022, ces dernières fusionneront officiellement sous l’appellation de commissaires de justice et la profession deviendra exclusive.


  • En juillet 2026, les officiers ministériels n’ayant pas suivi la formation spécifique ne pourront plus exercer.


Les huissiers de justice suivent une formation de 60 heures et apprennent les compétences dont disposent les commissaires-priseurs judiciaires : le droit et la pratique de la vente de meubles aux enchères publiques et les connaissances nécessaires sur les arts et les techniques.


Pour leur part, la formation de 80 heures réservée aux commissaires-priseurs aborde la signification des actes, les procédures civiles d’exécution ainsi que la pratique des constats.


Au terme de ces enseignements, les professionnels se voient recevoir un certificat d’accomplissement de formation et seront donc automatiquement désignés commissaires de justice le 1er juillet 2022.


Outre ces formations passerelles, les étudiants titulaires d’un master 2 en droit pourront prétendre à devenir commissaire de justice en passant un examen qui leur est réservé.


Ces nouveaux spécialistes du droit auront alors pour mission d’exercer les compétences réservées jusque-là aux huissiers mais également celles des commissaires-priseurs judiciaires. Le commissaire de justice pourra signifier et exécuter des décisions de justice, établir des constats ou réaliser des ventes aux enchères publiques quelle que soit sa profession d’origine.


Une simplification du service public de la justice


En 2009, l’avocat Jean-Michel DARROIS avait rédigé un rapport concernant les métiers du droit et proposa la création d’une nouvelle profession de l’exécution. L’auteur du rapport souhaitait un rapprochement entre les huissiers de justice, les commissaires-priseurs judiciaires et les mandataires judiciaires. Selon lui, la répartition des compétences entre ces trois professions pouvait s’avérer complexe à comprendre pour les justiciables.


Sur les pas de ce rapport, la naissance des commissaires de justice résulte de la volonté de simplifier le système judiciaire. Aux yeux des citoyens à qui la justice paraît souvent obscure, l’offre de ce service public serait plus lisible et plus accessible.


Une réforme soumise au feu des critiques


La réforme n’est pas la bienvenue pour tout le monde et connaît quelques détracteurs. Certains huissiers de justice ou commissaires-priseurs craignent que cette nouvelle profession ne soit pas comprise par tous les justiciables. Selon eux, la volonté de simplification de la justice ne relève que de la théorie et sera compliquée à envisager en pratique.


Les professionnels mentionnent également le fait que le métier d’huissier de justice et celui de commissaire-priseur judiciaire restent tout de même des activités éloignées.


Carole JEZEQUEL et Xavier GAUDUCHEAU, commissaires-priseurs de justice, associés rennais déclarent “Nous ne voyons pas en quoi cette fusion pourrait simplifier la vie d’un justiciable souhaitant mandater de préférence un ex-huissier de justice pour faire un constat ou un recouvrement de créance ou souhaitant faire appel en priorité à un ex-commissaire-priseur pour estimer ses actifs immobiliers et réaliser une vente aux enchères. On peut penser que chacun continuera, dans un premier temps au moins, à exercer le métier qu’il connaît".


Certains officiers ministériels ne sont pas convaincus de pouvoir révolutionner leur façon de travailler ni de renouveler leurs compétences et leurs domaines de prédilection en quelques années.


Les associés rennais commissaires-priseurs, reconnaissent que les prochaines générations auront un rôle déterminant à jouer pour l’avenir de cette profession : “A charge, pour les générations futures, qui vont connaître de nouvelles instances, de nouveaux ressorts, de nouvelles formations, de nouvelles responsabilités, d’avoir un nouveau regard sur l’avenir de ce métier ” C’est alors aux étudiants de droit qui brilleront lors de l’examen d’entrée de commissaire de justice que revient la charge de bâtir cette profession de l’exécution, son identité, ses devoirs et son influence sur la vie des citoyens.


Bien que tout reste à construire, le président de la chambre des huissiers d'Ille-et-Vilaine, Richard Guillon, se montre optimiste quant à la destinée de cette nouvelle profession à laquelle il entrevoit de nouveaux horizons et de nouveaux défis :“Il appartient à cette nouvelle profession de construire son identité en développant d’autres champs d’expertise comme la médiation, le numérique ou l’amélioration de la protection des majeurs”.


Le tour du monde des commissaires de justice


En Côte d’Ivoire, la loi du 27 décembre 2018 a créé la profession de commissaire de justice née de la fusion entre les professions de commissaires-priseurs et d’huissier de justice. La France et la Côte d’ivoire ont toutes deux innové dans le milieu juridique avec cette conception.


La plupart des autres pays du globe distinguent entre le métier d’huissier et celui de commissaire. En Allemagne, il existe un professionnel s’occupant des ventes aux enchères volontaires et un second chargé d'organiser les ventes aux enchères judiciaires tandis qu’en Belgique, il n’existe pas de commissaire-priseur puisque les ventes sont réservées aux huissiers de justice et aux notaires.


La France est un pays très influent concernant les professions de l’exécution. Par exemple, avec l’idée du président de la Chambre nationale des huissiers de justice de France de 1949, Jean Soulard, l’Union internationale des huissiers de justice et officiers judiciaires a vu le jour. Elle a épaulé de nombreux États en participant à la création de la profession d’huissier de justice dans de nombreux endroits de la planète. S’agissant des décisions de justice, elle s’assure de leurs effectivités réelles dans le monde.



Commissaire de justice, métier de l’avenir ? Tout pousse à le penser car il s’agit d’un challenge à relever et de nouvelles opportunités à saisir pour les juristes. De toute évidence, elle reste une profession à inventer.


Cette réforme reste tout de même assez surprenante en raison de la tendance à être de plus en plus expert dans un domaine en particulier. Elle va effectivement à l’encontre de ce phénomène de spécialisation que connaît l'univers judiciaire.



Manon Fallace



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