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Déploiement de la 5G: précieux progrès ou fléau du XXIème siècle?


Le 13 septembre, une soixantaine d’élus écologistes et de gauche ont demandé au gouvernement un moratoire sur le déploiement de la 5G dans une tribune du Journal du Dimanche. Le lendemain, Emmanuel Macron a revendiqué son soutien envers la 5G. Le “pays des lumières” va prendre le tournant de l’innovation, en dépit des voix qui se lèvent contre la nouvelle technologie.



Une révolution numérique


La 5G -cinquième génération- est le nouveau réseau de téléphonie mobile en déploiement à travers le monde. Plutôt controversée, elle reste difficile à appréhender tant elle est novatrice en comparaison aux autres réseaux. La 5G est issue du processus de téléphonie mobile qui a vu les premiers appels téléphoniques (1G), les sms/mms(2G), Internet et les vidéos (3G) et le même service en Haute Définition et plus rapide (4G).

La cinquième génération innove sur différents points. Tout d’abord, le temps de latence est si faible que imperceptible. Cela permet par exemple, de télécharger un film en moins de 2 secondes alors que cela prenait 4 minutes avec la 4G. Le réseau est caractérisé par une grande fiabilité et un débit multiplié par 10. La connexion internet serait alors l'équivalent de la fibre partout, même dans les espaces les plus reculés.

La plus grande innovation de la 5G est sans nul doute la fin du réseau neutre des précédentes générations. Alors qu’elles utilisaient surtout le réseau des fréquences sous 6 GHz (très basses fréquences et hautes fréquences), la 5G exploite d’une part, les antennes et ondes des précédentes générations, mais utilisera aussi de nouvelles ondes. Les ondes millimétriques seront relayées par de nombreuses antennes nécessaires à cause de leur sensibilité avec un réseau très localisé. Ainsi, la 5G développe un système de priorisation. Selon les besoins nécessaires (opération médicale à distance, consultation de la météo), des fréquences différentes seront employées. Cette nouveauté se nomme le network slicing: la division en tranches du réseau pour chaque utilisation particulière.


Les partenaires de la 5G s’accordent à vanter les mérites de cette nouvelle technologie. L’ère des “objets connectés” est arrivée et la révolution numérique est en marche. Désormais, il est possible d’opérer à distance avec des robots ultra performants. Les projets de “Smart Cities” se développent où sont déployés voitures autonomes et autres objets intelligents pour un confort optimisé. La 5G ouvre aussi un marché insoupçonné: il représenterait 3500 milliards de dollars (valeur de production brut) et 22 millions de nouveaux emplois. En soi, une opportunité inespérée pour le capitalisme numérique.


Mais son application pose question et nombreux sont ceux qui réfutent la nouvelle technologie. Des pétitions, appels, et sabotages d’antennes sont monnaie courante dès que la 5G est invoquée. Si certaines antennes ont été démantelées en vertu de leur prétendu lien avec le coronavirus par des amateurs de la théorie du complot, les principaux acteurs de ces revendications invoquent des arguments plus sérieux. Sécurité, économie, social, démocratie, santé, géopolitique et écologie, la 5G s’impose dans le débat public.



La sécurisation nécessaire de la 5G


En tant qu’avancée technologique majeure, les États qui revendiquent leur puissance sur la scène internationale doivent se l’approprier. Dans la course à la technologie, la Chine est pionnière avec l’entreprise Huawei. (Par son omniprésence dans ce domaine, la 5G est vite devenue un enjeu géopolitique important.) L’entreprise souhaite s’implanter dans le monde mais sa relation très proche avec le gouvernement chinois constitue une difficulté pour le commerce à l’étranger, principalement avec les Etats-Unis. Lancés dans une guerre économique globale contre la Chine et particulièrement Huawei, les Etats-Unis ont banni l’entreprise de leur territoire. Leur présence constituait un risque conséquent pour la cybersécurité de l’armée américaine. En effet, si Huawei installe ses antennes dans le monde pour développer la 5G, le recueil d’informations pour le Parti Comuniste Chinois est suspecté, à l’image des scandales de prise de données de Google et Facebook. C’est donc avant tout pour des questions de sécurité que les Etats-Unis ont refusé l’implantation de Huawei sur leur territoire. Cette décision a été suivie par ses alliés les plus proches comme le Royaume-Uni. La France a choisi d’adopter une stratégie semblable en imposant l’avis du gouvernement sur les accords entre l’équipementier Huawei et les opérateurs français tels que SFR ou Orange pour le développement de la 5G.


L’enjeu de la sécurité dans le domaine de la 5G se retrouve aussi à d’autres niveaux. Dans un monde dépendant des objets connectés, une défaillance peut poser de nombreux problèmes : accidents de voitures autonomes, cybersécurité pour les entreprises, blocage des activités.. En plus de risquer une économie en berne, le vide juridique qui entoure ces questions doit être nécessairement comblé afin d’assurer un déploiement de la 5G tout en sécurité.



Le revers humain et écologique d’un déploiement planétaire


La 5G ouvre donc la voie à une société interconnectée qui est non sans conséquence sur les individus qui la composent. Si l’on est loin du fantasme du remplacement des hommes par le robot, les objets connectés interrogent quant à leur influence sur les relations humaines. Une optimisation exponentielle du confort, dont nous ne serions aujourd’hui plus capables de nous priver. L’optimisation future bien plus qu’elle ne l’est aujourd’hui aura pour conséquence la nécessité d’une confiance totale dans les machines puisque nos vies leur seront confiées. Si nombreux.ses s’accordent à dire qu’une machine est plus sûre que l’humain, d’autres préfèrent grandement garder la responsabilité de leur vie. Plus généralement, le développement d’internet et des réseaux sociaux a démultiplié les passions humaines, en ce qu’il y a de mieux et ce qu’il y a de pire. En outre, si les précurseurs d’Internet osaient espérer la connaissance universelle visant à une égalité, la réalité est tout autre tant par l’accès éparse à Internet que la monopolisation par certains. Et si les réseaux sociaux semblent avoir ouvert une brèche pour la démocratie participative, les Etats s’adaptent rapidement à ce nouvel outil. La 5G, en offrant un accès immédiat et en tout lieu, accentue ces problématiques sociétales.



De surcroît, les arguments des adversaires de la 5G se résument à deux thèmes principaux: la santé et l’écologie. Ils sont d’ailleurs complémentaires puisqu’ils visent la préservation de l’environnement en son sens global.


La peur des ondes sur le corps humain ou animal n’est pas nouveau. Dès la création des téléphones portables, le monde s’est alarmé sur la possible dangerosité des ondes. La 5G a exacerbé cette crainte puisqu’elle utilise de nouvelles ondes plus hautes et donc potentiellement plus dangereuses. Le “5G appeal” a été signé en 2017 par 180 scientifiques (rejoint depuis par 200 médecins et scientifiques) souhaitant suspendre son déploiement en Europe. S’appuyant sur des études différentes, ils démontrent la dangerosité de l’exposition aux électromagnétiques de radiofréquence.

Pourtant, certains médias et scientifiques (ANSES/SCENIHR) s’allient pour émettre des réserves quant à cet appel. Les études sur lesquelles il s’appuie pratiqueraient du “cherry picking” (*mise en avant des faits ou données qui donnent du crédit à son opinion en passant sous silence les cas qui la contredisent.) à l’exception du centre international de recherche sur le cancer de l’OMS qui qualifie les ondes de “peut-être cancérogènes” (dans la même catégorie que le plomb et full mais aussi l’aloe-vera et légumes conservés dans la saumure).

En vérité, dans le contexte de la science actuelle, il est impossible de déterminer véritablement si, oui ou non, les ondes électromagnétiques présentent un danger réel sur l’humanité, la faune et la flore. Il n’y a pas de consensus tel qu’il est incertain d’affirmer la dangerosité de la 5G. Mais faut-il vraiment s’interroger de l’absence de consensus, quand l’arrivée de la 5G profiterait à tant d’entreprises et de gouvernements?


Malgré l’absence de reconnaissance de cet appel par une part de la communauté scientifique, une maigre avancée est à noter pour les détracteurs de la 5G. En 2018, l’ANSES a reconnu l’électrosensibilité comme une pathologie réelle. Si elle reste prudente sur la causalité des ondes, le rapport prend en compte les symptômes ressentis par 5 à 15% de la population des pays occidentaux. Fatigue et douleurs crâniennes sont monnaie courante chez les électrosensibles. La 5G, en implantant des antennes en tout lieu risque d’augmenter l’impossibilité de pouvoir se défaire de ces ondes. Les champs électromagnétiques qui nous entourent (déjà) seront omniprésents. L’électrosensibilité a aussi été reconnue sur la faune et la flore. Cette avancée pourrait à l’avenir conserver des espaces de protection sans ondes pour les animaux. et constitue une victoire pour les défenseurs de l’environnement.



C’est là le dilemme de toute une génération: est-il possible d’allier croissance et écologie? Si la réponse était floue au début du siècle et que les entreprises jouaient avec le développement durable, les jeunes générations affirment aujourd’hui l’incompatibilité réelle de ces antagonistes.

De manière générale, cette alliance est impossible. La construction d’une usine pour développer une entreprise et créer de l’emploi se fera au détriment d’espaces verts, l’offre expansive des produits du supermarché contre la déforestation de la forêt vierge en Amazonie, etc. Les exemples sont nombreux. La 5G n’échappe pas à la règle. Elle nécessite une multiplication extrême des antennes et des datas centers très gourmands en consommation d’énergie. Une étude de l'université du Michigan et d'AT&T Labs Research en 2012 a démontré que: "Malgré des efforts de conception, nous avons évalué que la 4G consommait jusqu'à 23 fois plus d'énergie que le Wifi”. Et la seule activité numérique serait responsable de 2% des émissions de CO2 de la planète. La 5G, en encourageant notre dépendance aux objets connectés va accroître de façon exponentielle la pollution. Elle aura pour conséquence une augmentation significative de la consommation énergétique mais aussi des ressources. Les antennes, data centers et objets connectés nécessitent des matériaux rares et toujours plus difficiles à extraire.

La 5G est en totale contradiction avec l’ambition de réduire notre consommation d’énergie et nos émissions de gaz à effet de serre. Et ce sont pourtant nos gouvernements signataires du protocole de Kyoto, qui encouragent aujourd’hui le déploiement de la 5G à travers le monde. Alors que les citoyen.ennes multiplient les appels à la prudence, les gouvernements s’empressent à être des leaders technologiques.


Finalement, avons-nous réellement besoin d’une extension totale de la 5G? Elle apparaît intéressante dans le domaine de la santé et des entreprises mais faut-il la démocratiser totalement? Est-il vraiment nécessaire d’installer antennes et datacenters à un prix écologique élevé pour pouvoir réduire son temps de téléchargement de 4 minutes à moins de 2 secondes d’un film?


Il est aujourd'hui temps pour le pays des Lumières d’assumer son statut de révolutionnaire en renonçant au paradigme du progrès à tout prix


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Johanne Mâlin


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