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Edito d'un étudiant français à Sibiu (Étienne Vernat)

Cet article provient de l'ancien blog des étudiants en science politique, initialement publié le 8 Mars 2015.


« Alors ce n’est pas trop dur la Roumanie ? »


Je ne sais pas trop quoi répondre à la question typique que l’on me pose lorsque j’apprends aux gens que je suis étudiant pour un an dans une petite ville nichée au cœur des Carpates. Arrivé ici par hasard, je m’attendais à devoir chasser/cueillir et à fuir les chiens, loups et autres bêtes errantes : je me suis rendu compte que la réalité était bien plus complexe que les mythes entretenus en France.

Une fois installé dans ma chambre étudiante, je dispose d’un balcon qui fait face aux majestueuses montagnes enneigées qui encadrent la ville autant qu’aux terrains en friche qui fleurissent ici. La Roumanie est en pleine mutation, Sibiu est une petite ville dynamique qui tend à s’agrandir : perdue entre la fin d’une ère de réclusion et l’ouverture soudaine et brutale sur le monde. C’est ce qui surprend le plus en arrivant à Sibiu, on se retrouve entre des bâtiments modernes, certains déjà construits mais aussitôt à l’abandon, un centre ville restauré, coloré et agréable qui côtoie des quartiers résidentiels décrépis par le temps et le manque d’entretien.

En tant qu‘étudiant étranger, on évolue donc dans un milieu surprenant mais dans lequel on se fond vite, bien que certaines disparités viennent à nous sauter aux yeux, au sein même de nos dortoirs : les étudiants roumains sont regroupés dans les vieux immeubles jusqu’à quatre par chambres pour avoir des loyers moins chers tandis que les « erasmus » sont logés dans des chambres simples ou doubles, rénovées, pour 120€ par mois : ce qui est très cher pour la plupart des Roumains, mais pas pour les étudiants étrangers boursiers, et souvent venant de pays plus riches.

Au contraire, les vêtements de marque paraissent d’un prix normal jusqu’à ce que l’on compare au niveau de vie ici, le salaire moyen est d’environ 400€ par mois (trois fois plus en France): un pull à 40€ de chez « Zara » peut vite devenir un produit de luxe.

Cela explique pourquoi il y a tant de magasins de vêtements d’occasion, qui peuvent pallier les coûts conséquents de l’habillement, c’est assez ironique car en France ces magasins de seconde main sont pris d’assaut par les bobos et hipsters de toutes sortes, souvent aisés, qui y voient l’aspect vintage de la chose.

Loin de la culture à l’américaine des pays de l’ouest, je suis ici sur un pont entre les deux mondes de l’Europe, l’Orient et l’Occident. C’est un pays aux allures de civilisation occidentale pas vraiment assimilée mais qui diffère par les codes et les coutumes de ce que je peux connaître.

L’ancienne colonie saxonne offre des cafés à la Française, des passages piétons à l’allemande dont tout le monde respecte le temps d’attente (ce qui est inimaginable en France ou à Istanbul par exemple), des pâtisseries hongroise mais surtout un mode de vie qui est caractéristique de la Transylvanie où l’on doit prendre son temps pour chaque chose et où l’urgence des heures ou des dates reste très relative.

D’un avis un peu plus personnel, la Roumanie est un modèle de désorganisation organisée. On se plaint de la lenteur des rouages administratifs en France ; ici chaque opération est soumise à l’approbation nostalgique du fameux « tampon » chers aux années 70 et aux pays communistes. Les institutions publiques ici manquent cruellement de moyens. Il y a par exemple un manque d’équipement flagrant dans les hôpitaux, tous les enseignants ne sont pas qualifiés pour certains cours qu’ils donnent ce qui explique un niveau d’instruction équivalent à vos premières années de collège. Ceci étant, c’est ce qui représente le charme du pays, encore un peu sauvage, où l’on doit chasser l’information. C’est pourquoi d’ailleurs il y a si peu de monde encore (70 erasmus au total pour le second semestre) mais où leurs nombre augmente chaque année : c’est une sorte de nouvel Eldorado européen où l’on pratique un bon anglais et pour des pintes de bières à 1€50. La Roumanie contredit tous les clichés entretenus en France : elle se joue de sa mauvaise réputation et montre qu’elle peut être un futur acteur culturel et touristique sur la scène européenne.

Au risque de décevoir les Français donc, pas de vampires ni (trop) de vieilles femmes édentées au profil de sorcière à l’horizon ! Il reste beaucoup à découvrir et à faire ici et dorénavant je répondrai à la question : « Alors pas trop dur la Roumanie ? » en disant « Il vaudrait mieux que vous la visitiez par vous même ».

Étienne Vernat

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