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Enfants influenceurs : jeunes stars 2.0 enfin protégées




Face à la croissance des enfants stars sur les réseaux sociaux, le législateur est venu apporter un cadre protecteur pour ces derniers avec la loi du 19 octobre 2020 qui vise à encadrer l’activité des jeunes de moins de 16 ans dont l’image est diffusée sur les plateformes de vidéos en ligne. Ces enfants sont considérés comme des travailleurs « stars » dont les employeurs sont les parents. Si ces derniers ne respectent pas ce nouveau cadre juridique, des sanctions sont prévues.


Depuis quelques années, le monde d’internet connaît un phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur : celui des enfants influenceurs.


Généralement filmés par leurs parents, ces enfants nous font rentrer dans leur vie de tous les jours. Nous pouvons par exemple les voir tester des jouets, déballer des cadeaux, relever des challenges ou encore faire la cuisine.


Ces mineurs publient du contenu de manière quotidienne sur les plateformes de vidéos en ligne telles que YouTube, Instagram ou Tik Tok. Les chaînes YouTube telles que “Swan the Voice-Néo & Swan” ou “Studio Bubble Tea” sont suivies par des millions d’abonnés et leurs vidéos ont été visionnées plus de 3 milliards de fois.


Cette immixtion dans leur quotidien amène une certaine proximité avec leurs fans ayant le même âge qu’eux. Ce sont des exemples pour ces enfants auxquels ils s’identifient. Ils vont désirer leur ressembler et vont souhaiter vouloir posséder les mêmes jouets utilisés dans les vidéos de tel ou tel enfant star qu’ils regardent. C’est en ce sens que ces vidéastes sont considérés comme des influenceurs.


De nombreux internautes s’inquiètent du sort réservé à ces enfants et se questionnent sur une éventuelle exploitation des parents comme en témoigne l’hashtag #LibérezNéo lancé sur Twitter en juillet 2020 et qui a suscité plus de 30 000 réactions.



@swanthevoice_officiel


Cette nouvelle loi devrait éviter les possibles dérapages de parents prêts à tout pour augmenter le nombre de vues sur leurs vidéos.


La loi du 19 octobre 2020 est venue combler le vide juridique dans ce domaine et a apporté un cadre légal pour ces jeunes, dans le but de les protéger de nombreux dangers. Cette activité pouvait poser des questions quant aux droits à la dignité et à l’intégrité de l’enfant indubitablement soumis à un consumérisme avéré.


L’auteur de cette dernière, le député LREM Bruno Studer, se félicite en déclarant qu’il va faire de la France une pionnière en matière de droit des enfants influenceurs. En effet, aucun autre pays n’a encore pris de mesures concrètes concernant ces nouvelles stars des réseaux sociaux.


Cette loi considère cette activité comme un travail. En effet, il existe une prestation de travail, un lien de subordination avec leurs parents et une rémunération en avantage ou en argent. En principe, le travail des enfants est interdit en France. C’est pourquoi le code du travail va clarifier leur statut comme il le fait avec les enfants mannequins ou les enfants comédiens.


Le recours à une autorisation individuelle


Le texte de loi prévoit un cadre légal pour ces stars d’internet et contraint ainsi leurs parents à demander une autorisation individuelle ou un agrément auprès d’une administration avant de filmer et de diffuser leurs enfants sur les plateformes numériques. Ils recevront par la suite, une information sur les droits des enfants et seront sensibilisés aux conséquences d’une telle exposition publique.


Les revenus des enfants influenceurs protégés


Cette activité n’était jusqu’à présent pas encadrée par le droit mais s’avère très lucrative grâce à la publicité, au placement de produits ou à la monétisation des vidéos.

Selon Thomas Rohmer, président de l’Observatoire de la parentalité et l’éducation numérique, “pour les chaînes qui cumulent le plus d’abonnés et de vues […], les revenus peuvent aller jusqu’à 150 000 euros par mois, uniquement en termes de monétisation de chaînes.”


Par exemple, selon une étude parue dans le journal économique Forbes en 2018, le youtubeur le mieux payé du monde était un enfant. Il s’agissait du jeune américain Ryan qui en un an, a gagné 22 millions de dollars en testant des jouets devant sa caméra.


Dans la plupart du temps, ces vidéos sont monétisées, générant des revenus pour les plateformes et les parents. De plus, ces familles attirent de nombreuses marques qui leur proposent des placements de produits en contrepartie d’argent ou de cadeaux. Ces petits influenceurs sont donc devenus un enjeu publicitaire important.


Auparavant, les parents n’avaient aucune obligation de reverser l’argent aux véritables créateurs de contenus, soient les enfants. Ainsi, on pouvait craindre des risques d’abus et des risques d’exploitation. Les revenus des enfants influenceurs sont désormais protégés car la loi est venue clarifier la chose en imposant aux parents le versement d’une partie des profits à la Caisse des dépôts et consignations.


Le mineur recevra l’argent quand il atteindra sa majorité ou à son émancipation. Ses responsables légaux ne pourront toucher que 10% des revenus tirés du travail effectué par leurs enfants.


Avant la mise en œuvre de cette loi, les bénéfices financiers des petites stars étaient parfois assez élevés pour que leurs parents arrêtent de travailler afin de se consacrer pleinement aux vidéos de leurs enfants. Il serait peut-être opportun de se demander si de telles pratiques vont encore pouvoir se réaliser avec la nouvelle législation.

Si toutefois les parents ne respectent pas ces obligations financières, l’administration pourra saisir le juge des référés.




L’encadrement des temps de tournage


Par ailleurs, avant toute législation, les parents avaient une immense liberté concernant les heures passées à filmer leurs jeunes stars 2.0. Certains parents publient plusieurs vidéos par semaine et cela laissent penser que les enfants y passent un temps important. Considérant que les droits de repos et de loisir de ces jeunes ne sont pas à négliger, la loi du 19 octobre 2020 vient encadrer leurs horaires de travail.


Les parents devront respecter des limitations horaires telles que 3 heures de travail par jour pour un enfant de 3 ans et 7 heures par jour pour un enfant de 16 ans.

Cette disposition est importante à l’égard de la santé mentale de l’enfant, de son bien-être mais également de son assiduité scolaire.


Les parents sont à la fois producteurs, réalisateurs et employeurs de leurs enfants, si bien qu’il sera difficile de s’assurer si les volumes horaires seront réellement respectés.

L’instauration d’un droit à l’oubli


Au niveau des plateformes, l’article 5 de la loi exige l’instauration d’un droit à l’oubli des données à caractère personnel pour ces nouvelles stars du web.


Les mineurs peuvent désormais exercer eux-mêmes leur « droit à l’effacement » sans le consentement de leurs parents. Le législateur craint en effet, les effets pervers de la célébrité sur le développement psychique de l’enfant et le cyberharcèlement qu’il peut potentiellement subir du fait de sa notoriété. Il a donc trouvé judicieux d’instaurer un droit à l’oubli pour le mineur dont l’image est diffusée sur le web. Ce droit se traduira par la suppression de la ou les vidéos dans un bref délai.


L’appel à une responsabilisation des plateformes de vidéos


La loi du 19 octobre 2020 a également l’ambition de responsabiliser les plateformes de vidéos en ligne. Elle encourage notamment ces dernières à adopter des chartes avec l’aide d’associations de protection de l’enfance dans le but de lutter contre l’exploitation commerciale illégale d’images d’enfants de moins de 16 ans.


Ces chartes devront favoriser l’information des internautes sur la législation en vigueur et sur la possibilité de signaler des éléments qui portent atteinte à la dignité ou à l’intégrité physique ou morale des jeunes enfants. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) doit promouvoir l’adoption de ces chartes auprès des plateformes et doit s’assurer du respect de ces nouvelles règles avant de rédiger des bilans de l’application et de l’effectivité de ces dernières. Il est toutefois regrettable que la loi ne propose aucun mécanisme contraignant.

Ces nouvelles règles juridiques offrent donc un cadre légal rassurant pour ces mineurs. Avant même cette loi, il faut souligner le fait que certaines marques de jouets avaient mis en place en janvier 2020, une charte de bonnes pratiques de collaboration avec ces influenceurs : la charte “Kid’influenceurs”. Les signataires de cette dernière collaborent avec ces enfants seulement si leurs parents respectent certains critères tels que le respect de l’intérêt et de l’intégrité de l’enfant (l’enfant ne doit pas se sentir forcé à tourner des vidéos, scolarisation…), le respect des horaires de tournage et, en cas de rémunération, l’inscription de l’enfant dans une agence de mannequin.



Nous ne pouvons que féliciter l’avènement d’une telle loi. Cependant, est-elle suffisamment complète ? Ces nouvelles stars du web sont maintenant protégées juridiquement mais il reste toutefois des dangers. La question d’un besoin d’un bilan psychologique régulier des parents et de l’enfant ainsi que d’un renouvellement de l’agrément peut se poser. De plus, si le succès s’arrête, cela peut être dévastateur pour ces enfants qui ne sont pas préparés à cette éventualité.


Selon le président de l’Observatoire de la parentalité et de l'éducation numérique, "Les enfants en voudront forcément à leurs parents dans le futur […] Un enfant youtubeur ne se rend pas compte du nombre de fans qui le suivent. Ils prennent simplement plaisir à montrer des choses à leurs parents.”


Bien que le monde des réseaux sociaux soit parfois dangereux, les plateformes de vidéos et le monde de l’influence attirent et font rêver de plus en plus de jeunes si bien qu’ils existent maintenant en France, des écoles spécialisées pour devenir Youtubeurs et influenceurs.



Manon Fallace

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