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Entre humains et autres animaux : un réel fossé ?

Dernière mise à jour : 27 sept. 2020



« L'intelligence animale n'est pas une intelligence humaine moins évoluée que celle de l'homme, mais tout simplement une intelligence différente ». Par ces mots, Dominique Lestel, philosophe français, remet en cause la tendance des êtres humains à prouver leur supériorité par rapport aux autres animaux par le simple fait que nous aurions eu une évolution telle que notre intelligence défierait celle de tous les autres êtres vivants sur terre.


Cette recherche de supériorité n'a pas toujours envahi l'esprit des humains. En effet, la pensée mythico-religieuse a d'abord été caractérisée par une sacralisation de la nature. Néanmoins, ces croyances appelées animistes ont été rompues lors de la sédentarisation des humains et de la domestication des animaux. Afin de justifier cette domestication – et par le même mouvement, se rendre maître du monde - les êtres humains ont cherché à trouver des explications dont les fondements se trouvent une nouvelle fois dans la pensée mythico-religieuse. Ainsi, c'est parce que nous détenons le logos divin pour les mythologies grecques et romaines ou parce que nous avons été créés à l'image de Dieu selon les religions monothéistes que nous avons le droit d'exploiter la nature dans sa globalité. Mais, sommes nous si différents ? Plusieurs éthologues – spécialistes de l'étude des comportements des animaux dans leur milieu naturel – depuis les années 1930 ont remis en cause cette supériorité absolue en montrant que nous possédons beaucoup plus de choses en commun avec les animaux non-humains que nous le pensons.


Relativiser la séparation claire et nette entre les êtres humains et les animaux conduit aussi à montrer la diversité des êtres vivants qui peuplent la terre et la singularité de chacun. En effet, comment pouvons-nous justifier – tel Aristote – que les animaux (non humains) sont tous et uniquement mus par des instincts primitifs de survie en prenant comme seul exemple – parmi toute la diversité d'êtres vivants qui peuple la terre – l'abeille? Cette recherche de la singularité de chaque animal montre à quel point l'humain n'est pas le seul détenteur du pouvoir de s'organiser en société, d'apprendre, de disposer d'une culture et d'émotion telle que la peur, la compassion, la jalousie. Les animaux sont effectivement capable de ressentir des choses que l'être humain ressent aussi : le plaisir et la souffrance, la solitude et l'amitié.



Comme affirmé précédemment, les humains ne sont pas les seuls à s'organiser en société. Même si des animaux vivent de manière solitaire – à l'image des tigres – ou en couple – comme les cygnes qui restent ensemble durant toute leur vie – de nombreuses espèces vivent en groupe. Tel est cas aussi bien des chevaux sauvages, des loups ou des fourmis. Parmi les animaux vivant en société, la répartition du pouvoir est très diverse. Le gouvernement peut en effet être attribué à un couple, un mâle ou une femelle. Ainsi, les Loups d'Abyssinie sont dirigés par une matriarche quand d'autres meutes sont souvent guidées par un couple. Contrairement au préjugés accordés aux animaux, ce n'est pas toujours le plus fort qui domine dans ces sociétés. En effet, que ce soit chez les éléphants ou les chevaux, une partie de la direction du groupe est attribuée à la femelle la plus âgée, chargée de mener à bien les déplacements de sa famille.

Ce qui est communément admis, c'est le fait que les animaux sont essentiellement mus par leur instinct. Certes, les animaux disposent d'un instinct de survie – tel est le cas lorsque les tortues de mer sortent du sable après avoir éclos et qu'elles se dirigent vers l'eau. Néanmoins, d'autres animaux montrent qu'une bonne partie de leurs compétences à été acquise par l'éducation. Que ce soit par la mère, le couple ou par le groupe, le bébé apprend à chasser, à se nourrir et toute astuce pour se garder en vie. Cet apprentissage peut s'observer chez les félins, lorsque ces derniers

apprennent à leurs petits à chasser. Mais il se voit aussi auprès des Orangs-outans. En effet, le petit Orang-outan a tout à apprendre auprès de sa mère, avec qui il vit pendant près de dix ans. Cela n'est pas sans rappeler le temps que met un enfant humain à apprendre la vie auprès de ses parents. Cet apprentissage a lieu pendant l'enfance mais peut continuer durant la vie adulte. En effet, il existe bien des formes de culture chez les animaux, celle-ci se caractérisant par la transmission de savoirs acquis aux autres membres de la société. Ainsi, certains grands singes ont découvert comment fabriquer des objets leur rendant la vie plus simple ( comme des pierres pour casser des noix ou un bâton pour récupérer de la nourriture difficile d'accès). Par la suite, ils ont appris à d'autres membres de leur groupe cette découverte, qui eux-mêmes l'ont enseigné à leurs petits. Cela se voit aussi chez d'autres mammifères, comme chez les éléphants. Dans un reportage sur la chaîne Nat Geo Wild, une éléphante dirige sa famille vers de meilleurs lieux de vie. Au cours du voyage, elle s'arrête au point d'eau précis que lui avait montré sa mère l'année d'avant, durant la même traversée. Ceci est une preuve parmi d'autres que les animaux sont capables d'apprendre et de se souvenir mais aussi de s'adapter. L'adaptation des animaux est incroyable. Nous en sommes la preuve vivante. Mais d'autres espèces sont aussi capables de faire preuve de perfectibilité, pour reprendre le terme précis de JJ Rousseau. C'est ainsi que dans les océans, la nourriture se faisant de plus en plus rare, un groupe de dauphins et d’orques – espèces normalement ennemies – se sont entendues afin de chasser ensemble, pour avoir plus de chances de trouver de la nourriture.




Montrer que les autres animaux développent aussi une culture permet de relativiser le « fossé » établit depuis des siècles entre ces derniers et les êtres humains, fossé illustré par Descartes, pour qui les animaux ne sont que des machines. Or, tout animal est bien doué de

sensibilité. Ils ressentent des émotions, des sensations au contraire de la tendance des êtres humains à chosifier les autres animaux. Ce sont notamment les éthologues, en construisant de nombreuses études empiriques, qui ont montré que les animaux peuvent ressentir les mêmes choses que les êtres humains. D'ailleurs, et il n'est pas inutile de le rappeler, l'être humain est un animal. Ces derniers ressentent beaucoup d'émotions, comme le stress qui a été particulièrement observé chez les lapins, les vaches et les cochons. D'autres ressentent de la tristesse et de la souffrance psychologique comme ce jeune gorille ramené d'Afrique par l'éthologue Francine Patterson, qui lui appris la langue des signes. Lors d'une conversation, le gorille orphelin semblait malheureux. Elle lui demanda alors pourquoi et le singe lui répondit en signe « mère tuée », « forêt », « chasseurs ». Si nous nous demandons, « pourquoi ressentir de l'empathie pour les animaux alors qu'eux ne le peuvent pas ? » Là aussi nous nous fourvoyons. Les animaux non-humains peuvent aussi faire preuve d'une grande compassion non seulement envers les individus de leur espèce mais aussi des autres espèces. Combien d'entre nous ont pu observé chez eux une chienne ou une chatte recueillir un petit orphelin, chaton ou chiot ? Enfin, les animaux peuvent ressentir de la souffrance physique, leurs cris ne sont pas seulement des sons émis de manière automatique. Alors même que le Code Civil, dans son article 515-14 soumet l'animal au régime des Biens – ce qui, au vu de ce que nous venons déjà d'expliquer peut être remis en question - il dispose en même temps que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité ». La sensibilité des animaux s'entend ici comme le fait que ces derniers peuvent être sujet à la souffrance.


Mais ce n'est pas tout. Chaque animal dispose d'une individualité propre, et cela se voit d'autant plus chez certains animaux, qui ont leur propre caractère, personnalité. Cette individualité propre se voit notamment chez les dauphins dont les membres d'un même groupe possèdent tous un « nom » reconnaissable par un son spécifique, afin de se reconnaître entre eux. De plus, Montaigne avait, à son époque, déjà remarqué cette diversité de personnalités. Il existe des animaux peureux, joueurs, capricieux, doux, attentionnés... Nous pourrions donner ici d'innombrable exemples, mais il suffit d'observer les animaux qui vivent près de nous – et qui font partie de la même espèce – pour se rendre compte que chacun d'eux est un sujet à part entière, et non un objet.


Léa Lebon

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