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La pilosité féminine, le long chemin vers la réappropriation

Dernière mise à jour : 27 sept. 2020

Cet article s'inscrit dans le cadre de la Semaine Contre le Sexisme ayant eu lieu du 9 au 15 mars 2020.

Caractéristique commun à tous les mammifères, les poils apparaissent chez l'humain à la période de la puberté, signe de fécondité et de transition vers l'âge adulte.

Fierté pour les uns et honte pour les autres, l'apparition soudaine de la pilosité est vécue inégalement entre les genres. Selon les résultats de l'enquête sur le rasage et l'épilation menée par le collectif Liberté, Pilosité, Sororité, 50,9% des participantes aux différents sondages ont déclaré ressentir de la honte face à leur pilosité laissée au naturel, accompagné de dégoût pour 24,3 % d'entre elles.

Expérience douloureuse pour 83,5% des répondantes, le retrait des poils féminins est néanmoins une pratique ancrée dans les mœurs et dans les corps. Présente depuis l'Antiquité, la « norme du glabre », désignant l'injonction au corps imberbe semble pourtant s'être intensifiée au XXe siècle, atteignant son apogée en notre époque.


Comment cette norme, malgré la violence qu'elle opère envers le corps des femmes a-t-elle pu s'imposer au fil des siècles, jusqu'à devenir un standard de féminité indiscuté ? Le retrait des poils est-il réellement sans danger ? Quels peuvent être les impacts physiques et psychologiques d'une telle pratique ? Finalement, comment les femmes peuvent-elles se réapproprier leur propre pilosité ?


Etre une femme à poil.s


Publicités, campagnes « sanitaires » faussées ou pornographie mainstream, tous les vecteurs convergent vers l'injonction d'un corps féminin souhaité imberbe. En effet, l'industrie de l'épilation représentait pour l'année 2011 2,1 milliards de dollars pour le seul pays des Etats-Unis. En cohérence avec l'écart de prix entre un rasoir de couleur rose et son homologue bleu proposé deux fois moins cher pour les mêmes services, les publicités à caractère sexiste fleurissent. Mettant en scène de jeunes femmes filiformes se rasant des jambes déjà imberbes, le marketing actuel impose avec vigueur la norme du glabre.


Le développement éclair d'Internet au cours des dernières décennies a également permis à la pornographie dite « mainstream » d'affluer sur toutes les plateformes. Gratuites et disponibles en masse, ces vidéos ne sont pas sans conséquences sur le rapport au corps féminin. Outre l'excessive domination masculine et l'objectification de la femme, cette pornographie abondante expose à son tour un modèle uniforme des corps : pourtant nues, les actrices y sont présentées entièrement dépourvues de poils, pourtant signe fût-ce important à reconnaître, d'une puberté marquant le développement d'un corps adulte.


Risible ou affligeant, notons que cette obsession du glabre ne s'est imposée que sur certaines parties du corps féminin, variant également selon les cultures. En Occident, les jambes, aisselles et pubis sont dissociés de leur poils. Quant aux sourcils, ceux-ci doivent être « taillés », mais surtout pas entièrement retirés ! De même pour les cils et cheveux, heureux vainqueurs à la loterie de la valorisation sociale. Dans certains pays asiatiques, la pilosité des avants-bras rejoint le club des « sans poils » tandis qu'en Europe ou aux Etats-Unis, celle-ci est aimablement tolérée jusqu'à un certain seuil de coloration.


Ces poils qui nous veulent du bien


Si le ridicule de cette norme ne la tue pas, le retrait perpétuel des poils n'est quant à lui pas sans conséquences. C'est un fait, le corps ne cesse d'étonner par les multiples ressources qu'il détient, permettant de remarquables équilibres propre à son bon fonctionnement. A l'évidence, les poils font également partie de ce « tout ».


Agent multifonctions, le poil est un thermorégulateur présent sur l'entièreté du corps (à l'exception des muqueuses, plante des pieds et paume des mains) et particulièrement sur le sommet de la tête. Placés en nombre et à deux reprises au dessus des yeux, ils évitent à ces derniers la présence inopportune de diverses poussières. Egalement filtre auditif, protecteur contre les rayons ultraviolets du Soleil (oui oui !), régulateur de l'hydratation du corps, les rôles du poil sont nombreux.


Surtout, ce sont ceux présents autour des zones les plus sensibles du corps humain qui sont les plus cruciaux. Ainsi, les poils pubiens sont décisifs dans la protection du sexe féminin contre les infections, irritations, frottements provoquant des brûlures et autres microbes non désirés. A l'inverse, l'épilation ou le rasage de ces poils décuple dangereusement ces symptômes, mais également le risque de contracter une ou plusieurs IST du fait des coupures et autres blessures causées par le retrait des poils.


Comme mentionné précédemment, les poils sont présents sur l'entièreté de notre corps, à quelques exceptions près. De ce fait, ils constituent également de véritables capteurs sensoriels offrant une expérience décuplée du réel : les poils permettent de ressentir un contact avant même que l'épiderme ne soit touché.


Ma vie, mon corps, mes poils.


Bien qu'ils soient précieux au bon fonctionnement du corps humain, s'attarder sur des poils peut paraître insignifiant et prête à rire. Pourtant, la norme du glabre chez le corps de la femme est quant à elle, prise très au sérieux dans notre société. Occasionnant souffrances physiques et mentales, violence de la part des proches, effets secondaires indésirés, perte d'estime de soi, stress, peur, dégoût, sentiment d'infériorité, cette mutilation moderne n'est cependant pas une fatalité.


En effet, l'avènement des mobilisations féministes et la libération de la parole des femmes semblent se manifester comme autant de lueurs d'espoirs dans un cheminement qui nous est commun à toutes : celui de la réappropriation de notre corps. Menées dans le contexte de remise en question de notre société basée sur et le paraître et la consommation, ces revendications ont permis aux poils féminins de se faire une place dans le débat public.


En effet, nombre de célébrités se sont courageusement emparées de ce sujet, comme autant de contributions nécessaires à la dissolution de l'un des plus grands tabous du corps féminin. Madonna, Miley Cyrus, Julia Roberts, Rihanna, Cara Delevingne ou encore Emily Ratajkowski sont autant de voix qui s'élèvent dans la redécouverte collective d'un des éléments constitutifs du corps de la femme que sont ses poils.


Ses poils. A elle, et personne d'autre. Comme pour tout ce qui concerne son corps et sa personne, la femme n'a pas à être agressée, humiliée, contrainte, questionnée, insultée pour qui elle est.


De l'amorce d'un changement de regard porté sur sa pilosité jusqu'à son acceptation la plus complète, le chemin vers la réappropriation de ses poils par la femme en est un long, traversé de multiples étapes, de victoires


Vive les femmes, et que vivent leurs poils.

Marie Meunier

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