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Les dessous de nos jeux de société préférés.

Dernière mise à jour : 26 avr. 2021


De parties enjouées à de véritables disputes, familiales ou amicales. De parties très courtes terminées sur un abandon ou au contraire interminables. Tout le monde a ses anecdotes entourées d’histoires à raconter sur ces incontournables jeux de société que sont le Cluedo, le Monopoly ou le Scrabble. Mais connaissez-vous leur propre histoire, aussi étonnantes qu’elles puissent paraître ?


Le Monopoly est le jeu le plus célèbre et le plus vendu au monde. Ce roi des jeux de société compte plus d’un milliard de joueurs répartis dans 114 pays et plus de 200 versions différentes. Le gagnant du jeu est celui qui parvient à ruiner ses adversaires à travers l’achat et la vente de propriétés immobilières. Ainsi, comme son nom l'indique, le but est d’être l’ultime monopoliste : celui à qui tout appartient.


Le Monopoly est devenu l’allégorie de la réussite et de la fortune et semble glorifier le capitalisme. Néanmoins, sa créatrice tendait à en dénoncer les excès.


En 1904, la première version du jeu voit le jour sous le nom The Landlord’s Game (Le jeu du propriétaire foncier). Elizabeth Magie, sa créatrice, avait pour objectif de mettre en garde les Américains sur les monopoles financiers et l'oppression des rentiers de l'immobilier sur les locataires. Elle souhaitait sensibiliser la société sur les dangers du capitalisme de la façon la plus simple possible en mettant tout ce pilier économique à l'échelle d'un jeu.



Cette écrivaine progressiste reprend la pensée de l’économiste aux idées égalitaires, Henry George, qui estimait que la concentration des richesses nuit à la société. Son jeu, breveté le 5 janvier 1904, était soutenu par une morale qui est exactement le contraire de ce que le Monopoly représente aujourd’hui.


La conceptrice américaine déposa un second brevet pour une nouvelle version du jeu intégrant cette fois-ci des noms de rues et le proposa à la société américaine Parker Brothers. La société éditrice du jeu le refusa en le jugeant trop politique.


The Landlord’s Game comprenait deux règles. L’une d’elle, bien connue de tous à l’heure actuelle, consistait à ruiner ses adversaires. Sur fond de morale, il s’agissait en fait d’inciter les joueurs à effectuer une critique de leur société en prenant conscience que les monopoles appauvrissent la majeure partie de la population et ne bénéficient qu’à une faible minorité.


Dans une démarche socialiste, il s’agissait pour la seconde, de rassembler les fortunes de chacun des joueurs en créant ce qui peut s’apparenter à un trésor public. Ainsi, les cases telles que Compagnie de distribution des eaux ou Compagnie de distribution d’électricité devenaient gratuites.


Ingénieur au chômage depuis la Grande dépression de 1929, Charles Darrow découvre The Landlord’s Game et profite de sa période d’inactivité pour s'accaparer et s'approprier l'idée du jeu, qu'il va quelque peu transformer en créant tout de même une version proche de l'original en changeant le nom par Monopoly. Il conserve les cases fondamentales telles que la case départ ou la prison, mais ne garde que la règle consistant à faire fortune au détriment de ses adversaires. Il le commercialise par ses propres moyens et obtient un tel succès qu’en 1939, Parker Brothers lui rachète les droits du jeu. La société rachète ensuite les droits originaux à Elizabeth Magie qu’elle cédera pour la modique somme de 500 dollars, voulant privilégier la diffusion du message à l'argent.



Ironie du sort, Charles Darrow a modifié le sens du jeu initial et le Monopoly symbolise aujourd'hui le capitalisme mondial. Il devient même le premier créateur de jeux de société à devenir millionnaire.

La star des jeux de société ne fait tout de même pas l’unanimité et souffre de quelques détracteurs, notamment l’économiste américain Ralph Ansplash. En créant le jeu Bust the Trust (‘Fais sauter le Monopole’), il a pour ambition de dénoncer les valeurs enseignées par le Monopoly. Il conçoit un jeu correspondant aux idéaux d’Elizabeth Maggie en démontrant que les monopoles financiers ne sont pas souhaitables dans un système de libre marché. Ce jeu contre les inégalités adoptera ultérieurement le nom d’Anti Monopoly.


Malgré le fait que l’idéologie politique initiale ait été déformée et en dépit des difficultés auxquelles il a été confronté, le jeu du Monopoly conserve son rôle de dénonciateur de certains problèmes sociaux de la société qui subsistent toujours à l'heure actuelle. En 2019, l’éditeur Hasbro commercialise une version assez surprenante du jeu, nommée Mme Monopoly, ressemblant fortement au jeu classique. Néanmoins, la particularité de ce jeu réside dans le fait que les femmes reçoivent plus d'argent que les hommes au début même

de la partie. Hasbro fait d'ailleurs la promotion de son jeu comme le premier jeu où les femmes gagnent plus que les hommes et dénonce ainsi de manière symbolique, les écarts salariaux à travail égal entre les hommes et les femmes. De ce fait,ce jeu n’a pas toujours

été accueilli favorablement au sein des foyers et a fait couler beaucoup d’encre. La philosophe américaine Christine Sypnowich a déclaré qu’il “était inutile de dépeindre les femmes comme ayant besoin d’avantages spéciaux”



Le Monopoly a donc conquis des milliards de joueurs avides d'acquisition de propriétés mais a également sauvé des vies pendant la Seconde Guerre mondiale. En effet, le gouvernement britannique avec l’aide de la branche des services secrets britanniques et le PDG de la société qui éditait le jeu ont utilisé des Monopoly afin de dissimuler des objets destinés à l’évasion des prisonniers. Ces boîtes de jeu truffées d’objets cachés contenaient une lime qui pouvait être fabriquée avec deux pions, une petite boussole cachée dans un pion, des billets de banque dissimulés dans les liasses de billets du jeu ainsi qu’une carte routière.


Ainsi, sur les 30 000 prisonniers de guerre qui ont réussi leur évasion durant la guerre, 30 % auraient réussi grâce à ce stratagème. L’emblématique carte “vous êtes libéré de prison” prend alors tout son sens.


D'un tout autre registre mais tout aussi passionnant, le Cluedo consiste à découvrir qui est l’assassin du Docteur Lenoir, dans quelle pièce du manoir le meurtre a-t-il été commis et avec quelle arme.


Dans les années 1930, les murder parties connaissent leur ascension dans les luxueux hôtels anglais. Ce sont des jeux d’enquête grandeur nature dans lesquels chaque participant joue le rôle d’un personnage d’une énigme policière. Le jeu est terminé lorsque l’assassin, incarné par l’un des joueurs, se fait démasquer.


Le pianiste Anthony Pratt assurait l’animation musicale de ces murder parties et eut l'idée de reprendre le concept de ces élucidations de crimes fictifs en le transformant en jeu de société.


Confinés chez eux en 1943 à Birmingham, en pleine Guerre Mondiale lors des raids aériens qui s’intensifient sur leur ville, les époux Pratt, Anthony et Elva, décident d’occuper leur temps libre à la création d’une première version du jeu qu’ils intitulent « Murder ! »


Ce jeu, influencé non seulement par les murder parties mais également par les romans policiers de Raymond Chandler et d’Agatha Christie, est breveté en 1947. Il est ensuite vendu à l’éditeur de jeux de société anglais, Waddington et à Parker Brothers. À l’origine, le jeu comptait 10 personnages ainsi que des armes supplémentaires telles qu’une canne de bois ou une seringue hypodermique. Il apparaît pour la première fois sous le nom de Cluedo en 1949.


Cependant, même destin que la créatrice du Monopoly, ni les époux Pratt ni leurs héritiers n’ont pu profiter du succès du jeu et de ses retombées économiques. En 1953, l'éditeur Waddington informe les inventeurs que leur jeu n'obtient pas le succès escompté. Ils cèdent donc la totalité de leurs droits à seulement 5000 livres.


Au cours des années, l’esthétisme des personnages, des lieux et des armes a évolué. Nicolas Ricketts, conservateur du Strong Museum of Play de Rochester déclare : “La première version éditée en 1949 semblerait bien démodée aujourd’hui. Durant les années 1960, les personnages possédaient un aspect cartoon qui reflétait alors la popularité croissante des dessins animés, tandis que les versions vendues dans les années 1980 adoptaient un style beaucoup plus lisse”.


Aujourd'hui, Cluedo rencontre toujours un franc succès et s’est vendu à plus de 150 millions d’exemplaires à travers le monde depuis sa conception. Il fait partie des classiques des jeux de société et a même été adapté sous forme de jeu télévisé, de jeu vidéo et au cinéma en 1985 dans le film éponyme réalisé par Jonathan Lynn.


Le Scrabble, ce fameux jeu de lettres à s’arracher les cheveux, consistant à former des mots sur une grille afin d’obtenir le plus grand nombre de points à l’issue de la partie est commercialisé dans 121 pays et en 36 langues.


Tout comme le Monopoly, le Scrabble doit sa création à la crise économique américaine de 1929, laissant l’architecte Alfred Mosher Butss, au chômage. Pendant son temps libre, ce passionné de jeux de lettres met en place Le Lexiko dont le but était de former le mot le plus long possible sur la base de 7 lettres tirées au hasard. Il ne réussit pas à le commercialiser mais ne renonça pas à cette idée et repensa son concept.


Alfred Mosher Butss créa ensuite New Anagrams puis Alph, Criss-Cross et Criss-Crosswords. Ces versions alternatives voient apparaître la valorisation des lettres rares ainsi qu’un plateau de jeu mais ne se prévalent d'aucun succès.


L’homme d'affaires James Brunot contacte le concepteur du jeu et lui propose une commercialisation de ces jeux mais en lui soumettant quelques modifications. Après un énième différend entre les deux hommes, James Brunot dépose la marque Scrabble en 1948 à laquelle Alfred Butts cède ses droits.

Le Scrabble peine à être vendu et seulement une centaine de jeux sont vendus en 1949. Selon la légende, Jack Strauss, directeur du plus grand magasin de New York, le Macy’s, découvre le jeu pendant ses vacances et s’insurge de ne pas le commercialiser dans son magasin. Une campagne de publicité sera alors lancée et le Scrabble devient très vite le jeu à la mode. À la fin de l’année 1954, les ventes dépassent les 4,5 millions d’exemplaires aux Etats-Unis. Les années 1960 et 1970 connaissent l'apogée du Scrabble et il est alors commercialisé dans un très grand nombre de pays donnant même lieu à des championnats du monde.


De nombreuses personnalités se prirent de passion pour le Scrabble telles que la reine Elizabeth II, le président Nixon ou les chanteurs Edith Piaf et Freddy Mercury.


Et comme un excellent jeu peut en cacher un autre, en 1979, deux journalistes canadiens, (nommés Chris Haney et Scott Habey) manquant de lettres pour finir une partie, décidèrent de s’interroger sur des questions de culture générale. Dans un premier temps, leur réflexion aboutit au jeu " Quelques arpents de piège", qui donnera lieu par la suite au jeu mondialement connu : le Trivial Poursuit.


Bien qu’ils aient fortement évolué depuis la première partie du XXe siècle, les jeux de société demeurent un incontournable pour petits et grands. Les confinements et couvre-feu successifs leur ont permis une nouvelle renaissance en faisant exploser les ventes. Il est certain que les jeux de société ont encore de beaux jours devant eux.


Manon Fallace


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