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Les droits des femmes et la démocratie polonaise en danger

Dernière mise à jour : 26 oct. 2021



Le 22 octobre 2020, la Conseil Constitutionnel polonais a rendu un arrêt pour limiter le droit à l’avortement, le rendant presque illégal. Avant cet évènement, la Pologne était déjà l’un des pays européens les plus restrictifs sur la question de l’avortement, avec Malte. Aujourd’hui, les seules raisons légales qui justifient l’avortement sont si la vie de la mère ou de l’enfant est en danger ou si la grossesse résulte d’un viol. L’arrêt supprime le droit à l’avortement lorsque l’enfant est atteint d’une malformation grave ou d’une maladie incurable, car il est maintenant considéré comme contraire à la Constitution polonaise.


Cette décision est non seulement un recul pour le droit des femmes, mais c’est aussi un retour en arrière démocratique. Elle n’est passée par aucun vote du Parlement ni par une consultation de la population. Le parti au pouvoir, Droit et Justice (PiS), avait déjà essayé de limiter l’avortement par une loi qui devait être votée par le Parlement mais cela avait résulté par un échec. Cette fois-ci, ils ont donc préféré passer par le Conseil Constitutionnel pour éviter tout rejet de la proposition.


Cette résolution est également vue comme le fruit d’une coopération entre le parti au pouvoir et l’Eglise catholique polonaise. L’Eglise en Pologne a toujours eu une influence très forte, non seulement sur la population (87% des polonais sont catholiques) mais aussi dans la sphère politique. Le parti Droit et Justice a majoritairement un électorat provenant de la Pologne catholique, conservatrice et nationaliste. L’Eglise a soutenu ouvertement le parti, et a permis une mise en avant de celui-ci sur la scène politique polonaise.


Cet acte a déclenché une forte mobilisation de la population à travers tout le pays, qui s’est poursuivie d’octobre 2020 à mars 2021, même en temps de crise sanitaire. Ces protestations furent marquées par leur capacité à rassembler du monde dans toutes les grandes villes polonaises et par leur régularité. Les polonais eux-mêmes décrivent ces manifestations comme les plus importantes du pays depuis le mouvement « Solidarnosc » de 1989 qui a permis la démocratisation du pays et la sortie du joug de l’Union Soviétique.


Malheureusement, ces manifestations furent également marquées par de violentes répressions et attaques. Durant les rassemblements, des groupes extrémistes et nationalistes n’ont pas hésité à attaquer les cortèges. La police n’a même pas défendu les manifestants contre ces attaques, elle a seulement procédé à des arrestations de masse. Les participants allaient dans la rue dans la peur d’être agressés.





Pour en avoir été témoin, de mon point de vue d’étudiante Erasmus, une vraie peur se ressentait autour de ces mobilisations. Pour celles auxquelles j’ai pu participer, nous avions reçu des consignes de sécurité provenant de nos professeurs. J’étais également présente à la marche pour la journée des femmes du 9 mars 2020, durant laquelle la police nous a empêché de défiler. Les arrestations et l’utilisation de gaz contre les manifestants n’ont fait qu’augmenter la détermination des femmes à poursuivre la marche.


L’indignation du peuple polonais a tout de même réussi, dans un premier temps, à geler la décision du Conseil Constitutionnel après les premières vagues de mobilisation de fin 2020. Cependant, le 27 janvier 2021, la décision a été mise en vigueur officiellement, ce qui a déclenché une nouvelle vague de manifestations.


Depuis cette restriction de l’avortement, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a reçu 12 requêtes mettant en cause la Pologne pour une violation de l’article 8 qui correspond au droit à la vie privée. La CEDH n’a toutefois pas pu se montrer en faveur de la violation de ce droit et d’un droit à l’avortement car le sujet ne fait pas l’unanimité au sein des pays membres du Conseil de l’Europe.


J’ai été profondément marquée par ces événements, qui dénoncent le risque constant d’un retour en arrière sur les droits sociaux et démocratiques si chèrement acquis. Malgré une internationalisation du sujet, avec par exemple des demandes de sanctions d’ONG, ni l’Union Européenne, ni la CEDH n’a pu agir. On peut donc se questionner sur l’avenir de ces mêmes droits en Pologne, notamment si le PiS reste au pouvoir.





Léna Pryen



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