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"Tirailleurs" plus qu’un film, une reconnaissance de droits



Tirailleurs, film de Mathieu Vadepied, est sorti au début de ce mois de janvier 2023. Ce film d’action et de guerre raconte l’histoire d’un père et son fils, tous deux sénégalais, combattant pendant la Grande guerre (1914-1918). Outre le fait que c’est un film qui démarre bien, avec déjà 700 000 spectateurs au compteur, c’est un film qui parle de soldats peu connus par le grand public.


En effet, quand on pense Première Guerre mondiale, la première idée qui nous vient en tête, ce ne sont pas ces troupes coloniales utilisées dans différents conflits par la France. Ces tirailleurs (soldats détachés pour tirer à volonté et harceler l’ennemi) sénégalais, ne sont pas tous sénégalais. Ils viennent de toute l’Afrique Subsaharienne. S’ils sont appelés sénégalais, c’est que le premier régiment s’est créé là-bas. L’idée est simple, on manque d’hommes, allons les chercher dans nos colonies.

Au départ, ces troupes coloniales ont été créées par décret en 1857 pour aider à la pacification dans les colonies. Ensuite, elles ont servi pour la conquête de Madagascar (1895-1905), puis la Première Guerre mondiale et enfin la Seconde.


Dans ses interviews, Omar Sy, l'un des acteurs principaux de ce film, parle de son ignorance du sujet, avec une difficulté à trouver des informations sur ces tirailleurs. Le réalisateur parle même de ces soldats comme plus inconnus que le Soldat inconnu. Cependant, on peut nuancer le propos, en parlant des divers ouvrages écrits par des universitaires sur cette “force noire” comme Les tirailleurs Sénégalais. De l’indigène au soldat, de 1857 à nos jours. d'Anthony Guyon, ouvrage datant de 2022; ou encore La Force noire. Gloire et infortune d’une légende coloniale de Antoine Champeaux et Eric Deroo datant de 2006.


Mais, la représentation compte. Elle compte, parce qu’elle permet de reconquérir des droits, de crier à l'injustice et de demander réparation. En effet, les films comme celui-ci permettent parfois de faire bouger les choses juridiquement. Le gouvernement a d’ailleurs annoncé, le jour de sortie du film, que les tirailleurs sénégalais vont pouvoir toucher leur minimum vieillesse sans devoir résider au minimum 6 mois par an en France. C’est un droit pour lequel se battait depuis déjà un petit moment la quarantaine de tirailleurs sénégalais ayant combattu en Indochine et en Algérie. Une justice qui arrive tard, surtout connaissant l’âge de ces soldats, qui atteignent tous aujourd’hui plus de 90 ans.


Alors, bien sûr, on peut se dire que cette décision juridique, incroyablement tardive, n'est pas due au film et que cela n’est qu’une coïncidence. Seulement, il y a déjà eu un précédent, avec le film Indigènes de Rachid Bouchareb datant de 2006. Ce film parle, cette fois-ci, de tirailleurs algériens, mais toujours de ces soldats venant des colonies françaises d’Afrique. Des soldats qui vont combattre dans ce film durant la Seconde Guerre mondiale. Le président Jacques Chirac a vu le film, y a été sensible. Il a donc voulu aider les anciens combattants de ces anciennes colonies. En effet, il y avait une cristallisation des pensions, c’est-à-dire que les pensions des anciens combattants de l’empire colonial français étaient à un niveau nettement inférieur à celles des soldats nationaux. Aujourd’hui, la pension des combattants des anciennes colonies est alignée sur celle des combattants nationaux.


En somme, ce qu’on peut voir à travers ces films, ce n’est pas juste des histoires poignantes inspirées de faits trop réels, injustes, mais c’est aussi la force du cinéma qui arrive parfois à influer sur la réalité et à redonner de la voix et de la justice à ceux qui n’en ont pas eu depuis longtemps.


Clarisse Segaud

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