top of page

Tribune sur le rôle de l’homme par rapport aux mouvements féministes

Dernière mise à jour : 8 mars 2023



Dans son livre Moi les hommes, je les déteste Pauline Harmange définie la misandrie en ces termes : " Le fait d’éprouver de l’aversion pour les personnes exerçant le pouvoir masculin ".

Mais comme elle l’explique dans son livre, l’étymologie ne colle plus alors elle introduit le terme phallocratie, (phallos étant en grec le pénis en érection, cratos le pouvoir). "La misandre est alors au fond une anti-phallocrate, ce qu’elle hait ce n’est pas l’homme, c’est ce qui le constitue socialement et culturellement, ce qu’elle méprise c’est la brutalité de sa jouissance à se vautrer dans ses privilèges".


Si un bon nombre d’hommes cis* souhaitent aller en apparence contre ces privilèges et pour l’égalité des genres, la réalité est plus nuancée. Si le mot féministe est de moins en moins une insulte et est inscrit dans le langage courant; on retrouve dans les espaces sociaux, médiatiques et même dans certaines sphères militantes mixtes des logiques sexistes. Ce constat amène plusieurs féministes à considérer que l’homme ne peut pas se définir comme féministe dans la mesure où on restera toujours en période d’essaie. Même avec la plus grande détermination, il reste difficile de reconnaître dans un premier temps, puis de lutter contre ses privilèges et encore plus difficile de militer activement pour que ses semblables veuillent bien s’en séparer. Même si les hommes sont aussi victimes du patriarcat, ils ne le sont pas au même niveau et même sans le savoir ou sans le faire exprès, ils sont moins souvent victimes qu’acteurs.


Si l’homme ne peut pas être féministe, il peut bien sûr être allié/pro-féministe et cela passe par des choses concrètes tel que : apprendre à fermer sa gueule, accepter et soutenir les réunions en non mixité, se renseigner par soi-même, travailler pour une répartition égalitaire des charges domestiques et psychologiques…


Apprendre à fermer sa gueule


"Apprendre à fermer sa gueule", si cette formulation est volontairement provocante, puisque concrètement on pourrait la formuler en « apprendre à écouter », c’est pour dénoncer la réalité des échanges entre homme et femme au sein des réunions publiques, des espaces médiatiques, des discussions privés...Il existe de nombreux concepts qui décrivent ces échanges tel que le manterrupting qui dénonce la pratique masculine de couper brutalement la parole à une femme pour reprendre le lead de la conversation. Pour illustrer ce concept, des chercheur.e.s américain.e.s ont réalisé une étude en 2014. Iels ont analysé 900 minutes de conversation entre hommes/femmes au sein d’une entreprise et il s’est avéré que les hommes interrompaient deux fois plus les femmes qu’elles ne le faisaient.

Cette pratique sexiste n’est malheureusement pas la seule à intervenir dans les échanges. Par exemple, le mansplaining (ou mecsplication), est quand un homme interrompt une femme pour lui expliquer qu’il sait mieux qu’elle des choses sur son propre domaine d’expertise. Il y a aussi le fait pour un homme de ramener une femme à son physique ou à sa condition de genre pour la déstabiliser. Bref, il existe de nombreuses pratiques masculines qui altèrent les discussions entre homme et femme, et qui participent à entretenir le modèle patriarcale car l’espace sonore reste monopolisé dans la sphère publique par les hommes cis. En témoigne le dernier rapport de l’Arcom sur la représentation des femmes à la télévision et à la radio qui comptabilise seulement 36 % du temps de parole.


Si vous avez une allergie aux mots anglais ou aux chiffres, je vous invite à être plus attentif à ces phénomènes dans votre vie courante autant dans des réunions publiques que dans vos discussions privées. Globalement, j’invite tous les hommes cis à repenser leur place dans les échanges mais comme on l’a vu plus haut il est difficile de se rendre compte et de lutter contre ses privilèges qui sont enseignés et par conséquent imprégnés depuis l’enfance; il est donc nécessaire de créer des espaces dénuées de ces dominations.


Accepter et soutenir les réunions en non mixité


Il est important que la parole soit libérée et cela ne peut se faire qu’à travers la pratique des réunions en non-mixité. Si comme dans tout le mouvement féministe, les femmes n’ont pas attendu la validation et le soutien des hommes, elles n’ont pas non plus besoin d’accréditation pour organiser des réunions en non-mixité. Mais il faut arrêter les scandales autour de ces dernières, le plus souvent orchestrés par des hommes cis blancs qui ont peur d’être relégués, de perdre leur place dominante et qui par ailleurs ne sont pas présents lorsque ces réunions sont ouvertes à toutes et tous.


Les réunions en non-mixité sont vitales car elles ont pour objectif de faire émerger une parole qui serait autrement restée silencieuse. Comme l’explique Julien Talpin : "Il peut être plus difficile de parler de discriminations racistes, qui sont souvent violentes, blessantes, qui touchent à l'intimité, en présence de personnes qui n'auraient pas fait cette expérience-là. C'est la notion de safe space ('espace sûr') en anglais".


Ces espaces sûrs devraient être multipliés voire même élargis, on pourrait imaginer des réunions non-mixtes d’homme cis hétéro qui auraient pour sujet par exemple la sexualité qui serait discutée sans discriminer le genre opposé. Les hommes qui ne comprennent pas la non-mixité, l’expérimentent en réalité au quotidien car ils vivent dans une société patriarcale qui est leur safe space car elle leur laisse la place de s’exprimer et de s’épanouir au détriment des minorités. De plus, les hommes ne cessent de s’organiser en non mixité que ce soit en politique, dans le sport et ce qui l’entoure (après match) et dans beaucoup d’autres espaces sociaux… Ces exemples n’ont pas pour objet de décrédibiliser certaines de ces pratiques mais d’illustrer le besoin de se retrouver dans des espaces où l’on n'est pas relégué au second plan.


S’éduquer par soi-même


La majeure partie des mouvements culturels, politiques et sociaux évoluent à travers l’éducation, par le fait de s’imprégner des notions, des raisons et des problématiques qui les structurent. Une grande partie des hommes, qui présentent un minimum de bonne volonté pour se renseigner sur le mouvement féministe, attendent voire demandent aux féministes de leur apprendre, de leur enseigner. Outre de montrer le peu d’égard qu’ont les hommes pour le féminisme notamment quand il s’agit de faire des efforts pour ce dernier, ce manque d’investissements est révélateur de la place souvent prise par les hommes dans les relations hétérosexuelles. Celle de l’homme-enfant, incapable de se prendre en charge tout seul, qui a besoin d’être félicité et encouragé. Ce rôle maternel n’a pas lieu d’être entre adultes mais pourtant tant d’hommes le recherchent. L’homme doit arrêter de vouloir être félicité à chaque fois qu’il aide aux tâches ménagères, d’ailleurs rien que le mot « aide » est inapproprié car cela signifierait que ces tâches reviennent à la femme. Il n’y a pas d’aide, seulement une contribution à parts égales comme dans toutes relations humaines où il n’y a pas d’exploitation de la part d’une des deux parties.


Les hommes doivent donc arrêter de croire que c’est le rôle des femmes féministes de les éduquer. Outre que la pédagogie est chronophage et énergivore, les hommes doivent arrêter de croire que tout leur est dû, s’ils sont intéressés (ils devraient) qu’ils fassent comme avec tous les autres sujets qui les questionnent c’est à dire se renseigner par soi-même.


Pour conclure, j’invite les hommes à avoir plus d’humilité, à ne pas toujours vouloir être sur le devant de la scène comme leur socialisation de genre leur a inculqué. À questionner cette dernière pour entretenir des rapports plus seins dans leur quotidien. Il devient réellement nécessaire que les hommes prennent à leur juste valeur les considérations féministes et pas seulement quand ils se sentent concernés ou attaqués**.


Cet article est vulgarisateur, je vous invite vivement si cela vous intéresse à lire et à écouter les sources que j’ai mis en bibliographie (sur lesquels je me suis beaucoup appuyé). De plus, il ne vise pas à être discriminant. Si cela est le cas ou si vous avez d’autres questions auquel je peux répondre, vous pouvez m’envoyer un message sur le compte de l’Arespublica sur Instagram.



Matias Corneloup


*: Personne dont l'identité de genre est en concordance avec son sexe assigné à la naissance.

**: Un intervenant sur France info notifie cette problématique dans le cadre des violences faites aux femmes en notifiant que si autant d’hommes en avaient rien à faire c’est parce qu’on appelait ça violence faites aux femmes et non violences masculines.

Sources :


Sur la monopolisation et le sexisme dans l’espace sonore :


Sur la pratique du manterrupting :


Sur la représentation qualitative et quantitative des femmes à la télévision et à la radio :

https://www.arcom.fr/actualites/la-representation-des-femmes-la-television-et-la-radio


Sur un exemple d’espace sociale patriarcale :

Le podcast Les couilles sur la table avec l’épisode Composter l’homme politique


Sur la vision des hommes dans les mouvements féministes :

Moi les hommes je les déteste de Pauline Harmange


Sur le débat autour des réunions en non-mixité :

https://www.francetvinfo.fr/societe/l-article-a-lire-pour-comprendre-le-debat-autour-des-reunions-non-mixtes_4353091.html






37 vues0 commentaire
bottom of page