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La pédagogie Freinet, ou l'émancipation comme projet politique. (par Marin Minard)


Cet article, un peu long je m'en excuse, a pour but de présenter la pédagogie Freinet, ses manifestations et ses enjeux. Ayant fait tout mon primaire dans cet environnement, à l'école Léon Grimault dans le sud de Rennes, je ne serai malheureusement pas objectif. Animateur à mes heures perdues, je souhaitais donc partager cette pratique, aussi bien avec vous qu'avec les enfants et adolescent.e.s qui ont eu le malheur de partager leurs vacances avec moi.


Les nombreuses coupes dans le budget de l’Éducation Nationale opérées depuis quelques décennies maintenant révèlent la volonté politique des représentant·es du peuple d'allouer de moins en moins de moyens à l'éducation de ce même peuple, en plus de distribuer ce budget inéquitablement (1). Pourtant, comme le rappelait Danton il y a quelques siècles, « après le pain, l'éducation est le premier besoin d'un peuple » ; l'instruction publique est en effet une garantie indispensable au bon fonctionnement d'une démocratie.

On voit donc un décalage entre les discours politiques et les réalités du terrain. Cette précarisation de l’Éducation Nationale se fait en faveur de l'enseignement privé qui voit ses effectifs multipliés dans le même temps que les inégalités sociales augmentent, et parfois même avec le concours des hauts fonctionnaires qui organisent cet évidement. Beaucoup rejettent en effet le service public que ce soit pour l'absence d'enseignement religieux, ou bien pour le manque de moyens et la pédagogie parfois inadaptée à son public. C'est ainsi que la pédagogie Montessori et son cher matériel pédagogique, ou bien encore l'École Libre ont pu tirer leur épingle du jeu en proposant une pédagogie dite alternative, à condition bien sûr de pouvoir la payer à ses enfants. Il reste encore heureusement des enseignant·es de l'Éducation Nationale qui souhaitent offrir une pédagogie « alternative » tout en refusant de la monnayer et donc d'exclure les plus précaires économiquement, déjà très fragiles socialement et scolairement. L'un des seuls mouvements pédagogiques ayant adopté cette posture là est, vous avez lu le titre, celui de la pédagogie Freinet. Cette introduction s'éternisant, ne perdons pas plus de temps et voyons dès à présent en quoi consiste concrètement cette façon de faire classe.


(1) Rien que pour l'Enseignement supérieur, on remarque que le budget alloué d'une part aux universités et d'autre part aux classes prépa est sensiblement différent. L'épreuve du covid révèle aussi de nombreuses inégalités dans les libertés laissées à chacun de ces deux types d'étudiant·es


Les caractéristiques de la pédagogie Freinet


Issue du courant de l'Éducation nouvelle et du mouvement de l'École moderne initiés en Espagne au début du XXe siècle par le pédagogue libertaire Francisco Ferrer, la pédagogie développée par Célestin Freinet voit le jour après la Première guerre mondiale. On pourrait basiquement résumer les caractéristiques de cette école laïque et populaire à une visée émancipatrice dans laquelle l'enfant est auteur de ses apprentissages. Il n'a donc pas un rôle d'apprenant passif, et cette pédagogie s'articule autour du tâtonnement dans un cadre essentiel de coopération et d'entraide. Nous reviendrons rapidement sur chacun de ces points pour mieux appréhender les caractéristiques de cette pédagogie innovante.


Une école populaire et laïque

L'école est selon Freinet un lieu d'ouverture sur le monde, et ne doit donc surtout pas être une fin en soi ; l’enseignant dénonce alors ce qu'il nomme « scolastique », à savoir l'instruction traditionnelle dénuée de sens. Cette vision de la pédagogie, en lien avec l’Éducation nouvelle (2), la place dans le courant de l'éducation populaire, ayant pour principe une éducation continue et continuée, même en dehors du cadre institutionnel qu'est l'école, et ce à tout âge de la vie. Jean-Rémi Durand-Gasselin la définit comme « une éthique commune qui implique des façons de faire et des prises de décision collectives, sollicitant la participation de tous et visant des idéaux généraux humanistes de partage du pouvoir, du savoir et de l'avoir ». Célestin Freinet ayant été membre du Parti Communiste Français, on pouvait mal l'imaginer penser une pédagogie qui ne serait pas laïque. Ce principe se retrouve d'ailleurs dans l'objectif émancipateur et humaniste porté par Freinet et ses héritières et héritiers, réuni·es au sein de l'Institut Coopératif de l’École Moderne - ICEM (3).

Le statut de l'adulte est d'ailleurs novateur. Il n'est plus question d'une présence magistrale, d'un transfert de savoir d'un·e enseignant·e vers les enfants. L'adulte continue certes à être le garant du bon fonctionnement de la classe, mais il adopte une attitude plus modeste comme en témoignent la suppression de l'estrade et le travail des enfants par groupes autonomes.


(2) L’Éducation nouvelle est un courant né à la suite de la Première guerre mondiale. On se rend compte que l'instruction publique était jusqu'alors un moyen de former des citoyens prêts à mourir pour leur patrie, s'impose alors la nécessité de reconsidérer le rôle de l'enfant. Celui-ci n'est plus un cerveau à endoctriner mais un être responsable du monde de demain. Néanmoins, de Ferrer à Montessori en passant par Reddie, il est évident que ces pratiques n'ont en commun que la place qu'occupe l'enfant ; leur public et leurs fins sont très différentes.

(3) L'ICEM, créé en 1947 par Célestin Freinet, regroupe les enseignant·es Freinet à travers le Monde au sein d'une fédération dont l'objectif est « la diffusion de la pédagogie Freinet par l'organisation de stages et de congrès […] et l'édition de publications pédagogique ».


Tâtonnement expérimental et méthode naturelle

Pour Célestin Freinet, les individus, enfants comme adultes, sont traversés par une force naturelle les poussant à être curieux et à chercher des réponses à leurs interrogations. L'enseignant·e n'aura alors qu'à accompagner chacun·e dans son apprentissage, son rôle n'est donc pas de donner la bonne réponse à l'enfant, mais de le pousser à se poser les bons questionnements, à la manière de l'adage « l'enfant n'est pas un vase que l'on remplit mais un feu qu'on attise ». Ce principe qualifié de Méthode naturelle par Freinet est donc l'épine dorsale de sa pédagogie, c'est par elle que s'essentialise la pratique quotidienne des enseignant·es.

Cette notion essentielle est articulée autour de quatre notions. Tout d'abord le tâtonnement expérimental. Prenons pour l'illustrer l'exemple d'un jeune enfant faisant ses premiers pas. Celui-ci va tout d'abord essayer puis tomber, réessayer jusqu'à finalement faire quelques pas et enfin marcher aisément. Le tâtonnement expérimental se fait donc sur la base d'une évolution empirique par essais-erreurs. C'est un processus naturel d'apprentissage propre à chaque individu puisque celui-ci va de lui-même penser et agir dans le but de trouver une réponse à son problème, souvent en confrontant son raisonnement à celui de ses camarades, de manière à dégager la meilleure solution possible. La coopération nécessaire à ce processus de création se repose donc sur l'expression des enfants, à savoir la manifestation libre de leurs idées ou ressentis. Nous avons donc ainsi les quatre piliers de la Méthode naturelle : tâtonnement, création, coopération et expression.


- photo 1


- photo 2











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Illustration : Du travail individuel à la création collective

1 : de retour d’une classe promenade, cet enfant dessine sa maison, d’autres reprendront cette idée. Petit à petit, une collection de maisons prend forme.

2 : dans une discussion collective, l’idée chemine de rassembler les maisons des enfants sur une grande feuille avec tout ce qu’ils ont observé (le ciel, l’herbe, la route, ... ). Ici des enfants illustrent des voitures, la signalisation, des chats, …

3 : Et voilà !



Le rôle central de la coopération

Pour Freinet, l'entraide est non seulement nécessaire mais elle est aussi naturelle, c'est ce qu'il théorise par le concept de Loi de résonance. Selon lui, l'enfant (et même l'adulte) ont besoin de calquer leur comportement, leur attitude, sur celui de leur entourage. Ce mimétisme social anticipe l'existence des neurones miroirs une soixantaine d'années avant leur découverte par une équipe de neurophysiologistes italiens.

La pédagogie Freinet se développe donc d'une part grâce au tâtonnement expérimental, et d'autre part grâce à la coopération et l'échange. C'est notamment ce que l'on peut voir sur les marchés de connaissances, événements au cours desquels les enfants comme les parents proposent de partager un savoir-faire avec les autres, et de découvrir ce qui est proposé par les autres. Ainsi, chacun·e est sur un pied d'égalité car « personne ne sait tout, mais tout le monde sait quelque chose » et le processus d'échange est horizontal.


C'est donc par l'expérience sensorielle et empirique, ainsi que par l'entraide et la coopération toujours selon une logique d'horizontalité que s'organisent les classes Freinet. Vous aurez en outre compris à la lecture du titre de l'article qu'il sera ici question de politique. La question qui se pose maintenant est de savoir dans quel but les enseignant·es Freinet envisagent de travailler de la sorte ?Pourquoi développer autant le travail de groupe ? Pourquoi s'intéresser autant aux classes sociales populaires ?

Rassurez-vous, ces questions qui vous assaillent trouveront tout de suite leur réponse, ou du moins des éléments de réponse.


Pédagogie Freinet et Politique


Partons tout d'abord du postulat que la démocratie, à savoir la libre participation de chacun·e à la vie de la collectivité, est le meilleur régime, celui vers lequel il faut tendre en toute circonstance. Ajoutons ensuite que l'éducation, en donnant aux individus des outils pour comprendre et analyser le monde, est le seul garant de ce modèle politique, ou du moins l'un des plus essentiels ; on en conclut alors que l'instruction est un vecteur de démocratisation et de stabilité de la démocratie. Cette supposition est certes très partagée et est communément admise, mais profitons de cet article pour bousculer un peu ce paradigme avec quelques contre-exemples.

Tout d'abord, on peut remarquer que la population allemande des années 1930 était certainement l'une des plus instruites au monde. Cela ne les a pourtant pas empêchés d'élire de manière démocratique un sinistre personnage dont il n'est pas forcément nécessaire de rappeler le parcours. En outre, pour continuer dans le totalitarisme, le régime stalinien n'a pu être si puissant que grâce au concours d'une élite intellectuelle éclairée. On voit donc que l'instruction ne peut être à elle seule un « rempart contre la barbarie » ; elle ne vous permet pas de résister à l'oppression, et elle est encore moins suffisante pour ne pas faire de vous un oppresseur.

Nous voilà bien embêté·es, comment faire alors pour permettre aux adultes en devenir de s'épanouir dans un monde idyllique où la liberté et l'égalité ne seraient pas des idéaux gravés sur les façades de nos mairies, mais une réalité indiscutable ? Un bon citoyen, obéissant et zélé, peut être capable des pires atrocités comme l'illustre le triste exemple des hauts fonctionnaires nazis, on retrouve alors le concept de la « banalité du mal », théorisé par Hannah Arendt. Une autre illustration, moins évidente mais certainement plus insidieuse, est celle des expériences de soumission à l'autorité menées par le sociologue américain Stanley Milgram, où les participant·es infligeaient consciemment des décharges électriques, parfois létales, à un inconnu sur ordre d'un scientifique. Bien évidemment ces décharges étaient simulées et personne n'a été blessé mais cette expérience révèle la docilité dont fait preuve une énorme majorité face à une injonction reçue d'une autorité jugée légitime.

C'est certes très intéressant, me direz-vous, mais quel lien avec le sujet de l'article ? La réponse tient en un mot : émancipation. S'émanciper, c'est selon le dictionnaire « la capacité de s'affranchir d'une autorité et d'une domination sociales ou morales ». S'émanciper, c'est se réapproprier son esprit et sa capacité critique, son corps et sa puissance d'agir. S'émanciper, c'est remettre en cause l'ordre établi. En somme, s'émanciper, c'est prendre de la hauteur sur les phénomènes sociaux qui nous entourent.

Cette émancipation suppose donc d'identifier deux formes d'autorité pour les déconstruire. Tout d'abord, la figure centrale de l'enseignant·e. Dans les classes Freinet, la vie ne s'organise pas autour de la présence magistrale d'un adulte omniscient et omnipotent, mais autour du travail et de la vie en communauté. En effet, l'enfant ne doit pas travailler sous la contrainte, mais parce qu'il trouve un sens à son œuvre. Est alors mise en place la possibilité d'écrire des textes libres, de préparer des exposés et autres activités choisies, organisation résumée par cette phrase de Roger Cousinet : « Laisser les enfants faire ce qu'ils veulent, ce n'est point du tout les laisser faire n'importe quoi ; car ils ne veulent pas faire n'importe quoi ». Le rôle de l'enseignant·e n'est donc plus simplement un rôle de transmetteur mais plutôt de médiateur comme nous l'avons vu plus tôt, il n'est plus le détenteur de l'autorité car ce sont les enfants eux-mêmes qui décident des règles auxquelles ils se soumettent, avec néanmoins l'arbitrage de l'adulte.

En effet, c'est au cours de moments d'échanges quotidiens, à l'instar des entretiens du matin ou des conseils, que l'autorité prend un nouveau visage. Ces lieux de discussions servent notamment à rapporter tous les dysfonctionnements repérés par les enfants (ou l'enseignant·e) pour trouver une solution collective transcrite à travers une règle de vie acceptée par toutes et tous (4). C'est donc le moment où se décident les règles collectives, mais aussi l'occasion de décider collectivement qui se verra dévolu quelle responsabilité : responsable de la bibliothèque, des poubelles, du journal de classe ou bien encore du poisson rouge, les tâches ne manquent pas. Celles-ci changent bien évidemment régulièrement afin que chacun·e puisse participer à la gestion de la classe sous tous ses aspects. Ce mode d'organisation participatif permet de faire naître un sentiment d'autorisation et de liberté chez les enfants, renforçant encore plus l'implication de tous, car chacun·e est responsable et fier de cette responsabilité.

La seconde forme d'autorité à déconstruire est ici le savoir. Nous ferons court car l'article commence à se faire long. Dans les faits, il s'agit surtout ici d'adopter une posture critique vis-à-vis de connaissances pré-construites, celles-ci ne doivent pas être dispensées préalablement à tout ce que l'enfant va être amené à produire sans quoi il s'y cantonnera, mais plutôt en réponse aux interrogations de celui-ci, en complément de tout ce qu'il sait déjà. Cette construction produite par l'enfant avec le groupe ou l'enseignant·e est donc à mettre en lien avec les principes de tâtonnement expérimental et de méthode naturelle.

Alors en permettant aux enfants de penser par eux-mêmes et à travers eux-mêmes, avec des outils certes co-construits avec l'adulte, mais au moins exempts de toute prétention de vérité indiscutable, on leur permet de remettre en cause ce qui les entoure pour penser et bâtir de leurs propres mains le monde dans lequel ils souhaitent vivre. Ils ne seront ainsi plus les enfants fondus dans le moule de la République, phénomène particulièrement visible sous la IIIe mais encore très présent aujourd'hui. Puisque comme le disait si bien Proudhon « Démocratie c'est démopédie » (5), il faut permettre à chacun·e d'avoir accès à l'éducation afin de pouvoir espérer pouvoir panser les nombreuses défaillances de notre régime.

Pour finir, reprenons cette dernière citation : « Démocratie c'est démopédie ». À l'image de la démocratie, on a ici l'idée d'un système d'éducation « du peuple, par le peuple et pour le peuple ». C'est justement pour cela qu'à l'inverse de l'éducation scolastique favorisant les « meilleur·es » et donc très souvent celles et ceux issu·es de familles au fort capital culturel et économique (on parle alors de reproduction sociale - (6)), la pédagogie Freinet va quant à elle se tourner vers les catégories sociales délaissées par ce système. Ainsi, on va plutôt retrouver les écoles Freinet dans les quartiers populaires ou au sein des Réseaux d’Éducation Prioritaire (7), à l'image de l'école Léon Grimault à Rennes située au Blosne. À sa naissance essentiellement implantée en milieu rural, cette pédagogie doit aujourd'hui se réinventer pour s'adapter au mieux à ses nouveaux publics. Ainsi, l'expression orale et écrite doivent être repensées, de même que les activités faites en classe : la culture d'un potager dans la cour ne revêt pas la même réalité pour un enfant vivant dans une tour en 2021 que pour un autre vivant à la ferme dans les années 1920. Les enseignant·es, très souvent issu·es de la classe moyenne, doivent aussi s'adapter à une culture, un rapport à l'école qui n'est pas forcément le leur. Ainsi se mêlent dans les classes ce qu'Edgar Morin nomme d'une part « culture de masse, de nature ethno-sociologique » (celle d'enfants issus de milieux populaires) et d'autre part la « culture cultivée, normative-aristocratisante » (celles des enseignant.es formé.es par l’État). Pour Françoise Diuzet, enseignante en Loire-Atlantique, il est alors primordial de mettre non pas le travail mais la vie au cœur de l'école. Ces enfants, souvent négligés ou sous-estimés, portent un regard neuf sur le monde qui s'offrent à eux, il faut ainsi selon elle faire de la classe le lieu de construction d'un avenir différent par la rencontre (et donc l'acceptation) de différentes cultures. L'idée phare de ce dernier paragraphe, si simple que j'aurai pu vous épargner ce long exposé, est la suivante : l'émancipation doit être offerte à toutes et tous ou à personne, pas seulement aux plus favorisé·es.


(4)Voici deux extraits de conseils d'enfants filmés dans des classes Freinet :

si vous êtes intéressé·e, voici le lien vers les ressources vidéo de l'ICEM !


(5) du grec demos, le peuple et paideia, l'éducation, ce terme traduit l'idée de Pierre-Joseph Proudhon selon laquelle il ne pourrait y avoir de démocratie parfaite – ou du moins véritable – sans passer par l'éducation de toute la population. Bien que de grands progrès aient été faits depuis 1848, il reste encore du chemin à faire.


(6) Pierre Bourdieu, Les Héritiers, Les étudiants et la culture, Les éditions de Minuit, 1964


(7) Abrégé REP (ou REP+), ce sont les anciennes ZEP (Z pour Zone) dans lesquelles plus de moyens sont consacrés pour combattre les difficultés scolaires, sans pour autant chercher à régler celles causées par la non-mixité



Bien qu'on pourrait consacrer plusieurs hors-séries de l'Arespublica à ce sujet, il est temps de terminer cet article avant que vous ayez toutes et tous abandonné la lecture. Et quoi de mieux comme fin qu'une petite histoire ?

Celle-ci raconte comment le plus grand joueur d'échecs de tous les temps a failli être battu par une foule de débutant·es. Garry Kasparov, après sa défaite en 1997 contre l'ordinateur Deep Blue, avait besoin de redorer son blason et a donc accepté deux ans plus tard une partie plus qu'inhabituelle. Celle-ci opposait le champion à non pas un adversaire, mais à pas moins de cinquante mille néophytes dans une partie d'un jeu considéré comme le symbole de l'intelligence pure. Ces milliers de joueuses et joueurs ont 24 heures pour décider à la majorité du mouvement à effectuer, et c'est ensuite au russe de jouer. Les dés semblent jetés et l'imbattable Kasparov part grand favori. Oui mais voilà, cette histoire ne serait pas intéressante sans rebondissement. Au dixième tour, la foule décide à 53% d'exposer sa dame au centre de l'échiquier ce qui déstabilise tout le monde, y compris Kasparov. Ce coup très osé va payer puisque les 50.000 amateur·ices font tête au roi des échecs pendant plus de quatre mois, et il ne reste plus que trois pièces à chacun des deux camps au soixante-deuxième tour (8).

La foule finit par abandonner mais cette défaite n'est que relative, au regard de l'apport qu'a eu cette partie dans l'étude de l'intelligence collective. Elle a d'une part permis l'ajout d'un nouveau coup dans les manuels d'échec, cela intéressera peut-être les passionné·es parmi vous mais concernant cet article, cela a surtout mis en valeur les prouesses de l'intelligence collective, c'est une parfaite illustration du fameux adage « l'union fait la force ». Ainsi, comment un peuple pourrait-il s'imposer quand le système semble dominé par une élite ? La réponse est simple, s'unir et réinventer le répertoire d'action collective.


(8) Pour les plus curieux·ses, une petite vidéo très intéressante sur le sujet, et qui explique beaucoup mieux l'histoire que moi : https://www.youtube.com/watch?v=cWTn73BZs8c&t=391s



Marin Minard


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