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Le dialogue interreligieux : l’exemple islamo-catholique

Dernière mise à jour : 27 sept. 2020



Représentant de l’Eglise catholique dans le monde, le Vatican est toutefois soumis à une certaine versatilité diplomatique inhérente à son essence. En effet, les directions de sa politique étrangère sont sujettes à la volonté du pape. Ainsi, chaque pape mène la diplomatie vaticane selon sa vision du monde et des rapports avec les autres Etats. Ceci explique une relative instabilité de la diplomatie vaticane et pourquoi on a pu passer de la diplomatie offensive assumée du pape Jean-Paul II (diplomatie ayant permis au Vatican de doubler ses relations diplomatiques) à la diplomatie beaucoup plus en retenue et limitée à quatre ou cinq déplacements annuels de Benoit XVI. Elu en 2013, le pape François a choisi une diplomatie moins européenne et plus axée vers les périphéries. L’un des axes forts de sa diplomatie est sa volonté d’ouverture et de dialogue avec les autres religions. Il semble intéressant de porter notre attention sur l’évolution des relations entre le catholicisme et l’islam. Cet examen bref peut permettre de contester la croyance selon laquelle il existe une défiance entre les religions que les acteurs haut-placés ne chercheraient pas à résoudre.


Vatican II : tournant de la doctrine catholique


Historiquement, les monothéismes ont eu peu de relations diplomatiques. Du point de vue du catholicisme, le tournant institutionnel opéré dans la relation aux autres religions est venu avec le deuxième concile œcuménique du Vatican, communément appelé Vatican 2, dans les années 60. Ce concile a permis une rénovation en profondeur des doctrines de l’Eglise catholique tant dans ses pratiques que dans ses idées. Concernant le dialogue interreligieux, le changement est venu avec la déclaration Nostra Aetate.


Avant le concile Vatican II, la doctrine catholique quant aux autres religions découlait du Syllabus de Pie IX de 1864 qui réprouvait le libéralisme religieux. Cette nouvelle déclaration affirme vouloir faire table rase du passé dans une volonté d’aller de l’avant. C’est pourquoi l’Eglise catholique reconnait ses similitudes avec les autres religions, qu’elles soient monothéistes ou polythéistes. Pour le Vatican, cette déclaration se veut affirmer la possibilité mais surtout institutionnaliser la volonté d’un dialogue interreligieux. Ainsi, en plus de la déclaration Nostra Aetate, le Conseil pontifical pour le dialogue inter-religieux est créé pour appliquer cette volonté d’ouverture et de dialogue.


La diplomatie religieuse vaticane en manque de continuité


La volonté de dialogue interreligieux trouve sa première grande réalisation dans les Journées d’Assise organisées par Jean-Paul II en 1986 dans le but de réunir toutes les religions du monde afin de prier pour la paix. On constate ici l’absence de la recherche de consensus pour la promotion unique de la paix. Ces rencontres ont toutefois un impact symbolique fort.


Cependant, cette volonté de rapprochement avec les autres religions est marquée d’un net ralentissement avec le pontificat de Benoit XVI. Ce dernier prononce un discours plutôt désastreux pour la question du dialogue interreligieux, en particulier entre le catholicisme et l’islam, à Ratisbonne le 12 septembre 2006. Son discours avait pour ambition de traiter de la question des violences religieuses en affirmant la volonté papale de bâtir un dialogue durable sur la responsabilité. L’emphase était surtout mise sur le christianisme, l’islam étant peu traité. Toutefois, dans la petite partie concernant l’islam, le pape fait référence à un dialogue du XIVème siècle entre l’empereur Manuel II Paléologue et un persan.


"Montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau, et tu y trouveras seulement des choses mauvaises et inhumaines, comme son mandat de diffuser par l’épée la foi qu’il prêchait."


Les réactions à cette citation sont nombreuses. Le président de la communauté pakistanaise en Italie demande, dès le lendemain, au pape de retirer ses propos sur l’islam. De nombreux responsables religieux musulmans condamnent également ces propos. Toutefois, 38 membres de l’académie jordanienne Âhl al-Bayt favorables au dialogue interreligieux adressent au pape, en octobre 2006, une lettre ouverte appelant à une parole commune. Cette lettre est réitérée en 2007 avec maintenant 138 signataires. Bien que le premier forum islamo-catholique se soit tenu à Rome le 4 novembre 2007, le dialogue entre le catholicisme et l’islam se retrouve dans un creux.


L’affirmation d’un dialogue régulier


L’élection du pape François en 2013 marque un renouveau dans le dialogue islamo-catholique. Dès son élection, le pape est félicité par le cheikh Ahmed al-Tayeb, grand imam de l’Université al-Azhar, principale autorité sunnite. Ahmed al-Tayeb marque là sa volonté de reprendre le dialogue entre l’islam et le catholicisme. Cet imam réputé modéré faisait d’ailleurs partie des 138 signataires de la lettre ouverte de 2007. Dès lors, le rapprochement entre Ahmed al-Tayeb et François s’est fait en trois temps, en trois rencontres.


La première rencontre a eu lieu au Vatican en 2016. Cette rencontre est d’ailleurs la première entre un dirigeant catholique et un dirigeant sunnite au Vatican. Accompagné par l’ambassadeur d’Egypte, Ahmed al-Tayeb est reçu par François lors d’une audience d’une trentaine de minutes. Cette courte audience veut marquer officiellement la volonté des deux partis à fonder un véritable dialogue islamo-catholique.


L’année suivante, le pape est reçu au Caire par le grand imam. Dans le cadre de cette rencontre, une conférence internationale pour la paix est organisée par l’Université al-Azhar. L’accent de cette rencontre est mis sur la question des violences perpétrées au nom de Dieu du fait de l’absence d’éducation, de la pauvreté et de l’exploitation. Cette conférence marque, par la réciprocité du lieu de rencontre, l’avancée dans le dialogue.


La troisième rencontre décisive est celle qui eut lieu lors du voyage de François aux Emirats Arabes Unis en 2019. Première visite d’un pape dans la péninsule arabique, ce voyage est l’occasion pour François de retrouver le cheikh al-Tayeb. Une grande conférence interreligieuse est organisée et rassemble 700 représentants des trois monothéismes. A l’issue de celle-ci un texte est signé, Le document sur la fraternité humaine pour la paix dans le monde et la coexistence commune. Portant sur les rapports islamo-catholique, ce document affirme que le chemin adopté officiellement est celui du dialogue. Est également instauré un Haut-Comité à la Fraternité Humaine avec pour but l’application concrète de ce document.


Conclusion


On l’a vu, les rapports entre islam et catholicisme n’ont pas été des plus faciles à instaurer. Malgré les écueils, il y a toujours eu des acteurs promouvant le dialogue interreligieux. Néanmoins, les rapports entre islam et catholicisme ne sont pas fixés. Un document a certes été signé mais c’est désormais tout un travail humain qu’il faut effectuer pour lutter contre tous ceux qui s’efforcent de maintenir des tensions. Il ne faut pas oublier non plus que les rapports que nous avons étudiés ici ne portent que sur les rapports entre islam sunnite et catholicisme. Quid donc des rapports entre catholicisme et les autres branches de l’islam, chiisme en tête ? Quid également de la question des rapports entre catholicisme et judaïsme ou encore entre islam et judaïsme ? Le dialogue entre les trois grands monothéismes requiert encore un très long travail à tous les niveaux pour trouver sa réalisation.


Baptiste Bouchet

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